Dix-huit heures
Bernard M.
Hier après-midi, samedi, je travaillais à mon bureau, occupé à mes retranscriptions.
Six heures moins cinq, je me mets à ma fenêtre. Ciel pommelé, dernière lumière du couchant entre les nuages. La place est tranquille, quelques passants et quelques véhicules encore. La boulangère tire la grille de sa boutique. Un homme empressé se présente à la pizzeria et repart avec sa commande. Une voiture passe. Puis voici la camionnette de la gendarmerie qui fait le tour de la place à toute petite vitesse. Un passant attardé passe sous la halle. La nuit est tombée. Il n’y a plus personne. Les gendarmes passent une nouvelle fois…
Et oui, c’est le couvre-feu de 18 heures ! Pas que cela change grand-chose pour moi. Mais, tout de même, c’est un pavé de plus à ajouter à la longue litanie de nos contraintes, et ça pèse sur le moral.
Tout à l’heure je suis passé devant le cinéma. Je connais par cœur l’affiche de plus en plus délavée du dernier film programmé. C’était quand déjà ? Et jusqu’à quand faudra-t-il en attendre une nouvelle, la promesse de s’asseoir de nouveau dans les confortables sièges rouges de notre salle municipale et se laisser embarquer, au milieu d’autres et non pas dans la solitude de notre salon, dans l’aventure d’un nouveau film ?
Rien hélas pour être très optimiste. Certes il y a le vaccin. Mais quand on voit la lenteur de son déploiement (c’est inévitable, il ne faut pas rêver, c’est déjà très bien qu’un vaccin ait pu être trouvé en si peu de temps), ce n’est pas demain que suffisamment de monde l’aura reçu pour qu’on puisse retrouver une vie normale. Et puis avec les nouveaux variants qui s’en mêlent… Bien malin qui pourrait dire quand nous serons sortis de la crise.
Bref, il faut s’y faire, s’installer le moins mal possible dans cette situation délétère, ne pas se laisser trop atteindre psychologiquement. Se dire que l’on n’est pas les plus mal lotis, dans une belle maison confortable, retraités et assurés d’avoir de quoi vivre malgré la situation, contrairement à tous celles et ceux qui voient aussi fondre leurs revenus en l’absence de travail et malgré les aides gouvernementales.
Trouver son rythme, lecture, écriture, promenades… J’ai de grandes envies de voyages qu’exacerbent de plus en plus confinements, semi-confinements et autres restrictions. Mais je ne peux que les garder pour des jours meilleurs. Et me contenter pour l’instant de voyager par les mots. Chaque matin je commence par une petite piqure de poésie, un vaccin comme un autre contre la morosité, grâce à La Pierre et le Sel, ce blog sur lequel l’ami Pierre programme un nouveau poème chaque matin à neuf heures. Et je choisis aussi des livres qui me font voyager. Tous les livres font voyager, mais certains plus que d’autres. Et en route…