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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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7 mars 2021

L’homme qui entendait des voix

Pierre Kobel

 

20210307gds-liv_pkobel_lhomme_qui_entendait_des_voixÉcrire à propos de soi peut être vaniteux, impudique, nombriliste. Le récit d’Éric Dubois relève du courage. Car c’est courageux que de se mettre à nu et de dire la maladie. Il publie L’homme qui entendait des voix aux éditions Unicité et écrit : « C’est un livre pour la vie. C’est un livre dans la vie. Je suis schizophrène et je vis avec la maladie. Je vis. C’est un combat de tous les jours. »

Éric, dans ce récit autobiographique, raconte son parcours avec la maladie, du jour où elle fut diagnostiquée quand il avait presque trente ans, ses conséquences sur son existence : prise de médicaments à vie, handicap invisible qui provoque une dépendance matérielle et financière à force d’allocations, la grande difficulté à trouver un emploi, à nouer une relation amoureuse.

Enfant timide, jeune homme réservé, Éric a mené une vie de jeune adulte plus festive, parfois d’excès quand dans le même temps il était victime, dans le cadre professionnel, de collègues harceleurs qui jouaient de ses fragilités comportementales pour des bizutages cruels.

Il raconte comment ses fragilités se sont révélées maladives quand il a commencé à entendre ces voix qui font le titre de l’ouvrage. Relation décalée au monde, aux autres, hors des normes sociales qui l’ont conduit à ce qu’il soit interné en psychiatrie à la demande de sa famille. Cette maladie « c’est à la fois une violence du langage et une violence de soi qui se heurtent au mur d’incompréhension des autres. » écrit-il. Et ailleurs en janvier 2017, ces mots encore :

« Nous sommes les statues du silence qui guettons nos ombres.


ressembler à l’image qu’on a de nous et qui n’existe pas et qui n’est que le début du gouffre lumière du jour lumière du temps lumière du ciel lumière au bout du chemin que balisent nos souvenirs ombres fantômes errant sans but murs d’angoisse le trou béant bâille soleil sombre du monde murs d’angoisse c’est l’accident la chute abrupte rien n’atténue le bris chercher la lumière comme un chemin indépassable en vertu des heures et des saisons et livrer nos pensées à l’inconfort du monde chant l’espace trié comble du cercle immobile station des couleurs comme l’eau tombe des arbres le ciel prend la pose lumière encore pensée pour nous deux l’escalier la chute la folie les murs le ciel c’est l’hiver les mots manquent pour dire l’hiver ciel de mots ombre silhouettes cap sur le sud le regard perdu dans le jour brillant des certitudes empoigner ce qu’il reste des cendres souffles coupés c’est l’hiver le froid paralyse les corps mort chimique c’est l’hiver indicible. »

Dans la recension qu’elle fait de ce récit, Carole Mesrobian écrit : « Le sujet abordé témoigne d’un grand courage, d’une grande honnêteté ainsi que d’un altruisme qui a porté Éric Dubois de bout en bout de la rédaction de ces pages. »

Si Éric, aujourd’hui, vit dans la stabilité que lui permettent à la fois un traitement médicamenteux et un suivi psychothérapeutique avec des soignants de confiance, s’il a pu retrouver une autonomie matérielle, c’est aussi grâce au langage et à l’écriture qu’il a reconstruit son existence. Auteur de nombreux recueils de poésie, créateur de blogs dans lesquels il fait un travail de passeur à l’image de sa générosité et de son attention aux autres, animateur d’une association qui accueille ceux dont la plume n’est pas toujours lue ailleurs, il a trouvé dans l’écriture le mode d’expression qui lui permet de réduire la fracture qui est en lui, d’être au monde en quête de soi, d’appartenir à la communauté, si fragile et disparate soit-elle, des écrivains.


ENTRELACS

Tu as fait                                     Des bains de mémoire                           Dans les
souvenirs
Tu t’es noyé                                     Imperceptiblement                Dans les non-dits

Tu as perdu                            Des amis                            Tu as glissé                  Dans les
entrelacs
Désormais le présent                                S’octroie une pause                                  & le passé
Temporise                           tes excès                            Dans les non-dits                                Tu
pars à leur recherche

tu partages tes repas                                    avec des absents                                   tu bois à la
santé d’inconnus
tu parles à des doubles                               qui n’en sont pas                                             Tu as
glissé
Dans les entrelacs                                  Désormais le présent                             S’octroie une
pause
& le passé                            Temporise                           tes excès                   qui n’en sont pas

Des bains de mémoire                            Tu en as les séquelles                                           Des
souvenirs
Tu n’en gardes que                                         La quintessence
Sur les non-dits                                         Tu gardes les distances                                        Des
souvenirs
Des amis                                                        Désespérément                               Tu pars à leur
recherche
Tu as glissé                                                 Dans les entrelacs


In Le Cahier, © L’Harmattan, 2015, p.95


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