Séries
Bernard M.
En ces temps de restrictions culturelles dans le monde du dehors, on consomme de la série à haute dose dans le monde du dedans, derrière notre petit écran.
Je suis assez perplexe devant En thérapie, unanimement loué. Non que ce soit mauvais, très loin de là, mais il y a des choses qui ne passent pas. Les dialogues sont brillants et d’une grande finesse, les actrices et acteurs excellents faisant passer des quantités d’affects, de seconde en seconde, dans leurs expressions et leurs regards extrêmement mobiles. On est à la fois scotchés aux paroles qui se déversent, avides de savoir quelles directions celles-ci vont prendre, quels soubassements intimes vont venir au jour, quels revirements vont s’opérer, et en même temps on se dit que ce n’est pas ça, comme s’il y avait quelque chose d’un peu forcé, d’un peu trop théâtralisé, qui ne rend pas la vérité d’un processus analytique et qui fait qu’on ne parvient pas vraiment à y croire. On regarde alors en se sentant à distance et paradoxalement, alors même que comme je l’ai dit, on est scotché, on s’ennuie un peu. C’est variable selon les personnages et selon les épisodes. Mais globalement les échanges avec le couple Léonora et Damien et avec la glaçante Esther sont ceux qui passent le moins bien.
C’est dans Le bureau des légendes que s’effectue notre autre plongée. Des séries tellement différentes qu’il n’y a guère de sens à les comparer. Mais, je dirais, plus conforme à ce que j’attends d’une série : l’immersion dans un monde qui n’est pas du tout le mien, la multiplicité des personnages, l’intensité et la vivacité des rebondissements. La volonté de réalisme est très forte et même si certains des événements sont hautement improbables on est plus candidement emportés par le récit, on arrive plus facilement à y croire qu’aux démêlés psychologiques des patients d’En thérapie. On a avalé ces derniers temps les deux premières saisons par doses en général de deux épisodes par soirée, parfois trois. La seconde saison m’a paru particulièrement maitrisée. Le bureau des légendes ça n’existe pas évidemment au sein de la DGSE, mais néanmoins les éléments donnés sur la formation, les modes de fonctionnement des agents des services sont, d’après ce que j’ai lu, très solidement documentés. Les enjeux géostratégiques sont également très bien présentés et font un des grands intérêts de la série. Les acteurs sont également excellents et j’aime aussi beaucoup, cela rajoute au réalisme, le fait que toutes les scènes sont dans les langues normalement attendues des locuteurs, anglais, arabe, farsi. Je trouve particulièrement délicieuse la douce Sara Giraudeau maniant le farsi avec une grande aisance apparente ce qui rajoute au charme qu’elle dégage. J’ai acheté toute la série lors de mon dernier passage à Paris. Trois saisons nous attendent donc encore. De quoi faire face aux longues soirées sous couvre-feu !
Tout cela est bel et bon, mais quand même, que ce serait bien le retour aux salles obscures. Devant le cinéma de notre petite ville l’affreuse affiche, toujours la même – depuis combien de semaines, de mois même ? – de plus en plus délavée, de plus en plus effacée, promouvant le dernier film projeté (ou devant l’être) a été enlevée et remplacée par une autre, juste « à bientôt dans nos salles ».
Oui, à bientôt, on en aurait tant besoin…