J'ai 16 ans
Daniel Valin
Je viens de passer mon premier bac avec succès.
Papa m'a fait embaucher chez VITOGAZ, sur la zone industrielle proche du champ de tir, à deux kilomètres en vélo de la maison. J'utilise le vélo de la tante Irène .
J'ai pas de vélo.
VITOGAZ, une unité de remplissage fonctionnant dans un brouhaha métallique impressionnante brouhaha métallique impressionnant ponctué de temps en temps par un tir de canon de 75.
Une vraie usine à gaz, quoi.
Du gaz et des canons, tout pour faire un monde.
Je travaille à la chaîne, plus tard, on dira à la ligne.
Les temps modernes de Charlot, en plus sonore.
Les bouteilles pleines de propane passent devant moi, j'enfile un bézette (un joint rond en caoutchouc) et un bouchon sur le robinet.
Elles portent des inscriptions évocatrices, Dakar, Nouméa, Tombouctou.
Gustave, mon voisin de poste serre le bouchon avec un outil pneumatique trop violent pour moi à cause des retours de bras.
La bouteille s'en va, une autre suit.
Attention de ne pas se laisser dépasser !
Sinon on dépose la bouteille de treize kilos pour la remettre sur le tapis plus tard.
Une vraie punition.
Gustave, il ne sent pas vraiment bon, c'est pour ça qu'on m'a mis avec lui.
Son poste de travail est désinfecté avec du grésil, chaque matin, avant son arrivée.
Le grésil ça pue encore plus que Gustave.
Une fois par semaine on fait les trois huit, embauche à cinq heures du matin jusqu'à treize heures, ça fait en tout une semaine de soixante heures;
J'arrive en retard ;
À la pointeuse, ma carte est déjà passée du bon coté de la pendule.
Solidarité ouvrière
c'est Gustave qui a pointé pour moi, il s’affaire déjà à mettre la bézette le bouchon et effectuer le serrage.
C'est un bon gars Gustave.
j'ai gagné beaucoup d'argent ce mois là
L'année prochaine, j'aurai le droit d'aller en Espagne avec une partie de ce argent, le paternel l'a promis.