Nul n'est une île
Madeleine R.
Mercredi 14 avril, au crématorium du Père Lachaise, pour un ami mort du Covid, malgré une première injection du vaccin. Il était malade, fragile et n’a pas résisté, il ne sortait plus, je ne sais pas comment il a été contaminé. Sa femme a été positive également, elle est sur un fauteuil roulant pour la circonstance. Je ne connaissais que très peu de membres de leur famille, beaucoup n’ont pas pu venir, car ils sont dispersés géographiquement. Le nombre des présents est limité à trente. Les deux filles et leurs familles s’occupent de tout. L’un d’eux fait un film de la cérémonie pour l’envoyer aux absents.
On finit par entrer dans une salle en contre-bas mais on nous dit que le temps est compté, qu’on ne pourra pas entendre toutes les interventions prévues. Sur un écran, une projection de diapos déroule leur vie passée avec leurs enfants et petits-enfants. Les témoignages oraux se succèdent, familiaux, professionnels, je ne me souviens pas de ce qui est dit, mon esprit se fige sans doute. A l’exception d’une anecdote racontée par l’une des petites-filles : il lui avait dit que quelque chose ne se faisait pas chez les Dominicains et elle lui avait demandé s’il était allé en République dominicaine… On est priés de sortir, et de poursuivre l’hommage dehors, cela n’a pas duré quinze minutes. Il fait froid mais il y a le soleil.
Dans son portefeuille on a retrouvé le texte qu’il gardait toujours sur lui :
« Nul homme n’est une île, un tout en soi ; chaque homme est part du continent, part du large ; si cette parcelle de terre est emportée par les flots, pour l’Europe c’est une perte égale à celle d’un promontoire, autant qu’à celle d’un manoir de tes amis ou du tien. La mort de tout homme me diminue parce que je suis membre du genre humain. Aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : il sonne pour toi.»
No man is an island, entire of itself; every man is a piece of the continent, a part of the main. If a clod be washed away by the sea, Europe is the less, as well as if a promontory were, as well as if a manor of thy friend's or of thine own were: any man's death diminishes me, because I am involved in mankind, and therefore never send to know for whom the bell tolls; it tolls for thee. — Devotions upon Emergent Occasions, 1624
J’avais lu autrefois l’ouvrage de Thomas Merton qui porte ce titre et j’avais vu le film de Sam Wood, adapté du roman d’Hemingway, Pour qui sonne le glas, sans faire la relation avec John Donne, poète et métaphysicien anglais du XVIIe siècle. Contemporain de Shakespeare, il ne fut reconnu qu’au XXe siècle grâce à T.S. Eliott, vers 1931. Il existe un recueil de ses poèmes dans la collection Poésie Gallimard.
Bibliographie
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John Donne : Paradoxes and Problems, Helen Peters © Oxford University Press, 1980
Traduction française : John Donne (trad. de l'anglais par Pierre Alféri), Paradoxes et Problèmes,
© Paris, Allia, 1994, 78 p.
Internet
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Wikipédia | John Donne