De la nature et de son actualité
Pierre Kobel
L’actualité ce sont les inondations terribles qui ont ravagé des parts de la Belgique et de l’Allemagne, engloutissant des villages, des quartiers et provoquant la mort et la disparition de centaines de personnes.
On vit dans un monde moderne, rapide efficace dont on voudrait qu’il nous fasse oublier ses dangers et sa fragilité. L’été se décide à mettre ses couleurs ensoleillées et à nous dispenser sa chaleur propice au repos, aux promenades et autres randonnées. Et c’est la stupéfaction lorsque la nature déborde, s’enflamme, s’effondre et provoque la destruction et la mort. Mais ne sommes-nous pas les premiers responsables de ces catastrophes à force de nous croire plus fort qu’elle, de l’exploiter avec excès, de l’envahir et de la détruire au lieu de la respecter et de composer avec elle ?
Et, alors que je travaille avec des amis à une anthologie de textes poétiques dont la thématique est l’écologie et la protection de la nature, je mesure à quel point plus personne d’entre nous n’est à l’abri de phénomènes naturels qui s’amplifient et se multiplient partout sur la planète.
Je pense à l’univers que l’homme moderne a cru pouvoir construire et j’ai envie de dire : tout ça pour ça ? Quelle sagesse n’avons-nous pas su faire grandir en nous ? Quelle avidité nous mène qui, pour un confort illusoire, pour un bénéfice à court terme, pour un rendement inutile, nous conduit à l’autodestruction comme si l’humain ne pouvait que danser au bord de l’abîme.Pessimiste me direz-vous ! Certes. Mais pour aller contre ce constat négatif, j’aime retrouver les mots, tels ceux de ce vieux sage qu’était Gaston Bachelard avec qui je termine ce billet.
Vivre comme un arbre ! Quel accroissement ! Quelle profondeur ! Quelle rectitude ! Quelle vérité ! Aussitôt, en nous, nous sentons les racines travailler, nous sentons que le passé n’est pas mort, que nous avons quelque chose à faire, aujourd’hui, dans notre vie obscure, dans notre vie souterraine, dans notre vie solitaire, dans notre vie aérienne. L’arbre est partout à la fois. La vieille racine — dans l’imagination il n’y a pas de jeunes racines — va produire une fleur nouvelle. L’imagination est un arbre. Elle a les vertus intégrantes de l’arbre. Elle est racine et ramure. Elle vit entre terre et ciel. Elle vit dans la terre et dans le vent. L’arbre imaginé est insensiblement l’arbre cosmologique, l’arbre qui résume un univers, qui fait un univers.
Les belles manières : l’or et le mercure, le miel et le pain, l’huile et le vin, amassent des rêveries qui se coordonnent si naturellement qu’on peut y déceler des lois de rêve, des principes de la vie onirique. Une belle matière, un beau fruit nous enseignent souvent l’unité de rêve, la plus solide des unités poétiques. Pour un rêveur de la matière, un raisin bien composé n’est-il pas déjà un beau rêve de la vigne, n’a-t-il pas été formé par les forces oniriques du végétal ? Dans tous ses objets, la Nature rêve.
In La terre et les rêveries du repos © José Corti, 1942
Internet
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Wikipédia | Inondations de juillet 2021 en Europe
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Wikipédia | Gaston Bachelard