Quarante ans plus tard, album souvenirs
Nadine P.
J’étais dans ces rues fin 77 début 78. J’y suis revenue cette semaine en pensée, difficile d’y échapper entre beauté de mes souvenirs, des sourires croisés et la réalité douloureuse liée à cette contrée à présent et depuis toutes ces années.
Je n’ai pratiquement pas de photos ; voyageant en itinérante je n’avais qu’un petit appareil Kodak en poche, deux pellicules pour diapositives pour un voyage de plus de six mois. On est bien loin des milliers de photos prises à présent pour une semaine de vacances. De plus, les deux meilleures photos de mon périple ayant été prises là, à Hérat, sans sous au retour, je les avais confiées à une camarade fréquentant un club photos pour les tirer sur papier et agrandir et… elle ne me les a jamais rendues !
Les images sont suspendues à ma mémoire, bien réelles. Couleurs, sons, bruissements de vies et des interrogations qui persistent.
Je revois cet enfant accroupi dans une cagette glissant dans la ruelle de terre battue. Souriant à mon appareil photo, les glissades se succédaient, la fierté était joyeuse.
Je souris quand je repense et revois son camarade faisant le zouave devant l’appareil, ne pas être en reste, photo géniale qui a disparu hélas.
J’ai devant les yeux facilement malgré le temps, ces hommes fiers et gais dans leurs habits de cérémonie lors d‘un mariage local où nous avions été conviés mon ami et moi, moi sans doute parce que je ressemblais fortement à un garçon, les femmes ne pouvant assister à ces danses dont le tambourin rythmait le déhanchement, les rires et les chants.
Je revois le fort de terre ocre d’Hérat, vestige d’Alexandre le Grand, qui se dressait derrière notre humble hôtel de même couleur, les chevaux taxis décorés de pompons et… les camions russes qui, déjà sillonnaient les rues principales et qui annonçaient ce qui suivra en 1979 et qui fera basculer le monde d’avant.
Je repense à notre hôte qui pour nous faire plaisir, nous avait prêté son chaudron pour qu’on cuisine dans la cour de l’hôtel afin que nous fêtions « notre » Noël.
Je suis du regard ces étudiantes venant de Kaboul sans voile et en jupe, se promenant dans la petite bourgade sans être inquiétées, plus nombreuses cependant dans la capitale bien sûr.
Je ressens une blessure quand images et informations me sont apportées par les médias ces jours derniers. En fait je mens. Je ne regarde pas. J’entends à peine plus que je n’écoute, je lis cette évidence que j’attendais depuis plus de 6 mois : le pays tombant à nouveau sous le joug des Talibans. Pas de surprise hélas, qu’une infinie tristesse pour ce pays.
Quand on s’attache à un lieu, à des gens en France ou ailleurs, on se sent attaché de cœur à leur destin.
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