Semaine parisienne
Bernard M.
Nous sommes restés à Paris une bonne semaine après mon tunnel d’activités apaïstes. Bien sûr nous avons pris du temps pour aller voir nos vieux parents et pour nous occuper de nos délicieux petits-enfants. Mais on en a profité aussi pour effectuer quelques sorties culturelles.
On s’est régalé avec l’exposition de la collection Morozoff à la Fondation Vuitton. Il y a vraiment quelques pièces superbes, peu connues ou jamais vues pour qui n’a pas visité les musées russes, notamment plusieurs Cézanne et plusieurs Matisse splendides, quelques beaux Gauguin, un Van Gogh très particulier… Le tout remis dans le contexte de la collection Morozoff et incluant aussi quelques toiles des artistes russes de la même période. Et puis c’est toujours un plaisir de déambuler dans ce magnifique bâtiment, de circuler sur ses terrasses aux vues époustouflantes. Mais toujours un bémol : la foule trop compacte. Malgré la taille des espaces d’exposition, on est souvent gêné, surtout au début. Car, plus qu’une gêne effective pour voir les toiles, c’est surtout psychologique, c’est ce sentiment d’être immergé dans le troupeau plutôt que d’être dans la déambulation paisible et la communion singulière avec les œuvres. Mais on en fait partie de ce troupeau et l’on ne peut s’en plaindre. C’est un effet de l’appel d’air des grandes expositions très médiatisées et de la démocratisation (toute relative) de la culture. Mais il est parfois bien agréable de se retrouver dans des lieux plus confidentiels, musées ou expositions moins fréquentés, l’émotion y est parfois plus forte même si les œuvres présentées sont moins exceptionnelles.
On a pas mal fréquenté les salles obscures aussi. On a vu Le sommet des Dieux, une expédition sur le toit du monde à la recherche de l’appareil photo de celui qui fut, peut-être, le premier conquérant de l’Everest. C’est un film d’animation, mais qui comporte des images de montagne somptueuses et des séquences de grimpe très réussies qui parlent à qui a fait un peu d’alpinisme comme ce fut mon cas. Un joli voyage en tout cas même si j’ai été parfois peu agacé par une musique un peu envahissante et assez pompière. On a vu également Les Intranquilles, une description au scalpel de la vie d’un homme bipolaire au sein de sa famille, malgré les difficultés l’amour entre les êtres qui la composent est manifeste et c’est ce qui rend ce film profondément émouvant.
Enfin j’ai vu, et c’est ce film qui m’a le plus passionné, Chers camarades du vétéran Andreï Konchalovski. C’est une plongée dans l’univers soviétique au début des années 1960 dans une petite ville du Caucase. Il s’appuie sur des faits historiques, une grève des ouvriers de l’usine locale, la répression qui s’en est suivie occasionnant de nombreux morts, la mise sous blocus de la ville pour que l’événement n’en sorte pas, pour qu’il n’ait, en quelque sorte, pas existé. Le film analyse avec finesse la situation, les mécanismes du pouvoir, les réactions individuelles et spécialement celles de la principale protagoniste, une femme cadre de la municipalité, communiste bon teint, un peu déstabilisée par les nouveautés de l’ère kroutchevienne et dont on suit la façon de vivre, les incompréhensions, les contradictions, avivées par son rapport avec sa fille qui se trouve du côté des grévistes et des manifestants. Le film est en noir et blanc, dans un format d’époque, ce qui contribue largement à nous faire entrer dans l’ambiance. C’est un récit très bien mené, humainement émouvant et historiquement très riche.
J’ai retrouvé avec plaisir ma grande maison, son jardin, ma petite ville tranquille avec la campagne à nos portes. N’empêche il nous manque ici cette vie culturelle riche, cette offre protéiforme qui fait qu’on peut à tout moment trouver le spectacle ou l’exposition à son goût. Le théâtre notamment me manque. Je m’étais déjà fait cette réflexion avec mes amis toulousains qui ont aussi à tout moment des choses passionnantes à se mettre sous la dent…
Mais bon, on ne peut tout avoir… Il nous faudrait le don d’ubiquité. D’un claquement de doigts. Être ici. Être ailleurs…
Internet
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La fondation Vuitton | La collection Morozov
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hamamama | De l’expo
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Wikipédia | Andreï Konchalovski
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Allociné | Chers camarades