Un livre lumineux
Bernard M.
Je viens de terminer le livre de Delphine Horvilleur, Vivre avec nos morts. C’est un très beau texte, ouvrant sur quantité de réflexions profondes et en même temps très agréable, très plaisant à lire et même drôle parfois…
Delphine Horvilleur est rabbin. Elle est donc, très souvent, du fait de sa fonction, confrontée à la mort. Elle raconte dans ce livre ses expériences, ses réflexions, ses échanges avec celles et ceux qui restent, en s’appuyant à la fois sur les textes sacrés et leur lecture symbolique, sur les rites et leur interprétation, mais aussi sur toutes sortes d’anecdotes issues de l’expérience commune ou de savoureuses histoires juives.
Sa vision est profondément humaniste, tolérante, tournée vers les vivants. En toutes occasions, il faut choisir la vie. « LeH’haim », s’exclame-t-elle à plusieurs reprises : « à la vie ». Elle montre combien le mort peut continuer à vivre lorsqu’on parvient à saisir « dans ce qui est la trace, la présence de ce qui n’est plus ». Moïse peut mourir, car l’Éternel lui a fait voir dans les siècles à venir les étudiants et les docteurs occupés à interpréter la trace de son passage. Et elle sait que sa fonction est aussi de contribuer à accompagner la peine de ceux qui restent. Le livre d’ailleurs est sous-titré : Petit traité de consolation.
Elle officie auprès de personnes ayant parfois des rapports très éloignés à la religion. Lors des obsèques d’Elsa Cayat, l’une des membres de l’équipe de Charlie massacré lors de l’attentat de 2015, elle est présentée aux amis qui accompagnent la défunte. « C’est notre rabbin, mais rassurez-vous c’est un rabbin laïque ». Le terme lui convient, elle s’y retrouve, elle qui aime dépasser les assignations religieuses. « L’athéisme de la famille Cayat devait pouvoir dialoguer avec les mots de la tradition juive ».
Elle se montre aussi profondément féministe. Elle était heureuse de pouvoir dire elle aussi le kaddish à côté du Grand Rabbin de France lors des obsèques de Simone Veil. Elle ne manque pas de relever d’ailleurs que de nombreux courants juifs orthodoxes ou traditionalistes refusent qu’une femme puisse prononcer cette prière.
J’avais découvert Delphine Horvilleur et la tradition du judaïsme libéral auquel elle se rattache à l’occasion d’une interview qu’elle avait accordée à La faute à Rousseau, dans le numéro que nous avions consacré à Femmes au travail. J’ai eu depuis l’occasion de l’entendre quelques fois lors d’interviews. C’est une personne lumineuse, à l’égal de son livre.
Internet
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Wikipédia | Delphine Horvilleur