Séjour ambarrois
Bernard M.
J’ai passé trois jours la semaine dernière à Ambérieu, au siège de l’association. Les bénévoles sont particulièrement requis dans cette période où nous n’avons pas de permanent sur place en attendant l’arrivée de la personne qui remplacera notre précédent chargé de mission, parti vers d’autres horizons professionnels depuis l’été. Moments de travail efficaces partagés avec d’autres bénévoles, notre trésorière venue de son grand sud et une très active adhérente aindinoise (c’est comme ça qu’on dit, si, si, je viens d’aller voir sur Google !). Dans ma besace j’apportais aussi mon propre pavé de journaux d’adolescence, laborieusement transcrits et mis en forme et auquel j’ai donc moi-même attribué son numéro dans nos archives. Et j’ai repris à la place des dépôts récents pour notre groupe lecture ainsi que les textes de Sylvette Dupuy dont nous allons publier des bonnes feuilles dans le prochain numéro de notre revue.
Outre diverses tâches administratives, une des raisons de notre venue était de rencontrer des partenaires potentiels pour cette future Maison de l’autobiographie dont nous rêvons. Ainsi sommes-nous montés sur le plateau d’Hauteville pour rencontrer le maire du village ainsi qu’une adhérente vivant sur le plateau et qui a réfléchi à un projet possible sur place au château de Champdor, en cours de réhabilitation. Lieu magnifique dans un paysage somptueux, particulièrement par cette belle journée lumineuse d’automne, le vert des prairies, celui plus sombre des forêts de sapins, toutes les nuances des couleurs de feuille du jaune au rouge et au brun sur les feuillus. Waouh, c’était superbe et cela faisait rêver à tout ce qu’on pourrait imaginer dans un lieu pareil ! On en est rentrés séduits même si nous savons bien aussi les réserves que font naître la localisation excentrée et les coûts de la rénovation.
Le lendemain nous avons rencontré le responsable de la rénovation urbaine pour la ville d’Ambérieu. Des projets de restructuration importants sont en cours d’élaboration dans le quartier de la gare et notre projet pourrait peut-être aussi y trouver une place. Situation urbaine, facilité d’accès, bâtiment neuf, évidemment plus fonctionnel et aux coûts d’entretien, une fois construit, moins aléatoires qu’avec une vieille bâtisse rénovée, plaideraient en faveur de cette solution. Mais, avec le charme en moins.
Bref, sans que rien bien entendu ne soit encore vraiment amorcé, voilà deux pistes qui s’ouvrent, qui font sortir cette histoire de Maison de l’autobiographie du pur fantasme, qui l’installe modestement, mais raisonnablement dans une perspective de concrétisation. APA des champs, APA des villes, on se prend à comparer les perspectives, à rêver sur l’une comme sur l’autre. On ne va pas choisir dans l’immédiat, on va voir comment les choses vont évoluer d’un côté comme de l’autre…
Après le départ des autres bénévoles, je suis resté encore un peu à Ambérieu. Le dernier jour je devais rencontrer notre future chargée de mission, mais malheureusement un souci de santé l’a empêché de venir. J’ai effectué des tâches en solitaire et là, franchement, c’était bien moins agréable !
Se retrouver seul dans nos bureaux qui ne sont pas vraiment plaisants m’a paru bien pénible. Lire les textes déposés, les commenter, se régaler des expériences de vie qu’on y découvre, à la fois si semblables aux nôtres et en même temps et si radicalement différentes, est un vrai plaisir. Mais fouiner dans les paperasses poussiéreuses, manipuler les boîtes, ranger, classer dans les rayonnages, et, en plus, faire cela seul, je ne pourrai pas. Je me rends compte que je n’ai vraiment pas la fibre archivistique !
D’autant que cela me fait réaliser qu’il y a aussi dans notre fond à côté de choses merveilleuses ou en tout cas intéressantes, pas mal de dépôts dont la valeur est très, très limitée. Je ne parle pas de la qualité d’écriture qui n’est pas pour nous un critère déterminant, mais de l’intérêt humain ou documentaire. Il y a certains déposants qui nous remettent et, souvent à répétition, des fonds de tiroirs sans intérêt, on se dit qu’on sert de débarras. Et à contrario de notre doxa, je me dis parfois qu’on devrait tout de même refuser un peu plus.
La parcours, entre la chambre d’hôtes en ville qui m’accueille et notre local excentré, n’a rien de folichon : des rues un peu sinistres, le passage au-dessus de la voie rapide qui coupe Ambérieu en deux, l’espace 1500, le lycée, le début de la zone industrielle du dit « triangle d’activités » dans lequel sont implantées les archives municipales et le local actuel de l’association, une petite demi-heure de marche pas vraiment plaisante. Et d’autant plus le soir, au retour, une fois la nuit tombée et sous une vague bruine ! Tout d’un coup je me suis demandé : mais qu’est-ce que je suis venu faire là, dans ces bureaux sinistres, au milieu de ces pages d’écritures mortes, alors que dehors, il y a les gens, les terrasses de café, les chemins de campagne, les prairies, les forêts, les arbres, le ciel ?
Coups de blues passager. Mais, surgi dans la solitude aussi et qui, par contraste, suggère bien que ce qui fait la force de l’APA et le plaisir que l’on prend à la fréquenter, ce sont les contacts que l’on s’y crée, les relations amicales qui s’y sont nouées, les moments de partage que l’on y vit.
Moment de blues que j’efface aussi en repensant à Champdor, je m’y vois, me promenant après y avoir travaillé et écrit, rejoignant ensuite un des petits studios qu’on y aurait installé dans les deux premiers étages de la grande tour qui jouxte le château, regardant le soleil couchant dorer le parc à mes pieds…