Au Musée de la Poste, septième étage
Anne-Marie Didier-Kleine
Au Musée de la Poste, septième étage, la foule se densifie, la salle en amphithéâtre sera bientôt pleine et débordante. C’est qu’on fête les trente ans de l’association ! L’introduction de Philippe Lejeune est pleine de vie et d’esprit. L’assemblée est plutôt âgée, je distingue quelques couples vraiment jeunes, les plus jeunes du reste ayant la soixantaine. Les intervenants sont la conservatrice du musée, l’auteure d’un film sur l’association, deux universitaires, dont une Lorraine, travaillant sur le fond, deux journalistes dont une éditrice. Je reconnais des bénévoles « lectrices en sympathie » des dépôts. On apprend que les chercheurs qui se penchent sur les dépôts d’Ambérieu sont surtout des sociologues, des historiens, des psychologues, peu de littéraires et peu de philosophes. N’ayant pas osé poser de questions, d’ailleurs le temps est compté et un pot est proposé et attendu, mais désireuse de ne pas être venue de Metz pour rien, je m’adresse à une des universitaires dont les recherches sur « le moi autobiographique et le vivant » pourraient trouver un intérêt dans mon journal, sans me faire beaucoup d’illusions, car j’ai compris que tous étaient intéressés surtout par des textes offrant un thème comme : la guerre de 1914 vue des tranchées, l’exil, mai 68, le travail dans les mines, la métallurgie, les maisons d’enfance, etc. plus que par un journal quotidien bavard qu’il faudrait avaler pour en glaner des miettes (chacun de mes dépôts couvre deux, voire trois années).
Mais j’ai vaincu ma timidité et je peux profiter du moment social du buffet où des groupes d’habitués de ces réunions se retrouvent gaiement. Guy et moi sommes assez isolés, nous parlons des lectures d’extraits qui ont été faites par deux comédiens talentueux. J’aurais pu aborder la dame de la poste, qui a souligné l’importance des correspondances et l’intérêt de trouver des inédits au Musée de La Poste, j’aurais pu évoquer les échanges mensuels des trois journaux de mes sœurs et moi qui disent l’intimité des gens ordinaires. « Toi aussi tu aurais pu parler à Philippe Lejeune, toi qui as lu ses livres ? – Quoi lui dire, je n’ai pas tout lu … ». Et c’est vrai que la simplicité et la notoriété du chercheur intimident.
Photos Malcolm Saunders