Dernier voyage

Bernard M.

Ce matin nous sommes partis vers une petite ville du Tarn, située à une cinquantaine de kilomètres au nord de chez nous. C’était la ville d’origine de ma grand-mère paternelle Cécile et c’est là qu’elle a été enterrée en 1982, c’est là que mon grand-père l’y a rejoint en 1990 et c’est là qu’aujourd’hui nous y portons l’urne funéraire de mon père.

Sur le document manuscrit que mon père nous a laissé figurait : refus de tout acharnement thérapeutique, obsèques civiles, crémation et la mention, celle-ci au conditionnel, moins impérative que le reste donc : « les cendres pourraient être déposées dans le caveau de famille à Réalmont ».

C’est donc ce que nous avons fait. J’ai porté l’urne depuis Paris dans le train sur mon dos lorsque nous sommes revenus ici après les obsèques, nous l’avons conservée dans la chambre qui était la sienne lorsqu’il venait ici en prévoyant d’aller faire ouvrir la tombe familiale aux beaux jours. Nous avons profité de ces vacances de Pâques où les enfants sont là pour faire ce voyage. Les petits et leur mère sont restés ici et nous sommes partis vers le cimetière avec notre fils aîné. Notre fils cadet aurait aimé venir aussi, mais il n’a pas pu, il était en Autriche toute la semaine pour son travail.

Temps superbe. Jolie traversée des collines tarnaises, les diverses nuances de verts dans la campagne contrastent superbement, avec le bleu intense du ciel. Nous passons acheter des fleurs en pot au centre-ville puis gagnons le cimetière. Comme convenu les employés nous y attendent et ont déjà ouvert le caveau, une belle dalle de granit. Nous leur remettons l’urne qu’ils descendent dans le caveau. Voilà c’est fini. Nous déambulons un petit moment dans le cimetière puis rejoignons la place centrale. Nous allons à la marbrerie pour discuter des options possibles, gravure sur la pierre tombale ou bien plaque à poser sur la dalle. Un coup d’œil à la maison familiale fermée et bien dégradée, le tabac maison de la presse qui avait succédé à l’atelier de chaudronnerie du grand-père de ma grand-mère semble définitivement fermé. Nous reprenons la route. La lumière est toujours aussi belle. Nous passons Lautrec puis Vielmur, en face la montagne Noire se fait plus imposante à mesure qu’on s’en approche, au loin sur la droite, les sommets neigeux des Pyrénées…

Voilà. Le point final de l’aventure de vie de mon père. Son dernier voyage pour lui qui a tant pratiqué et aimé les voyages. Et donc dernière demeure. Sans doute nous l’y viendrons visiter de temps en temps…

Et tout à coup je me pose la question. Et moi donc ? Que voudrais-je pour moi-même ? Je réalise que je n’y ai jamais réfléchi, que je n’en ai jamais discuté avec D. ni avec personne. Peut-être serait-il temps de commencer à se poser ces questions, maintenant que, après la disparition de la mère de D. puis celle de mon père, nous voici devenus à notre tour la génération des plus anciens…

Comments

[Elizabeth Legros Chapuis]

C'est peut-être parce que j'ai perdu mes parents depuis longtemps, mais moi j'y ai déjà beaucoup pensé... pour moi crémation, aucune hésitation, et j'ai transmis la consigne à la génération suivante, avec indication de l'endroit où déposer les cendres, en un certain point de ma commune natale. J'aime bien l'idée qu'ainsi la boucle sera bouclée.