La maison de mon enfance à Avallon où j’ai habité de 2 à 15 ans
Françoise B-J.
/image%2F1169248%2F20240424%2Fob_a02d4d_logo-maison-s.jpg)
Elle est dans une petite rue très calme malgré son nom guerrier : rue de l’Arquebuse, à moins de cinq minutes du centre d’Avallon. Les façades austères des maisons à un ou deux étages ne laissent pas deviner les merveilleux jardins de derrière. Tout en habitant au premier étage, nous disposions d’un jardin qui me paraissait immense, magnifique et mystérieux. Il était divisé en plusieurs parties : la cour de devant, le jardin de côté et le jardin du fond auquel on avait accès par un petit portail grinçant en bois. Un mur en pierres sèches séparait le jardin du fond et la ruelle d’Auvergne.
Un de nos amis, photographe amateur, de passage à Avallon, a fait une photo du n° 5 (il avait lu l’adresse dans mon récit d’enfance), mais quand j’ai vu la photo j’ai été très étonnée : ce n’était pas là que j’avais habité ! La municipalité avait changé les numéros !
Je vais régulièrement à Avallon où nous avons une petite résidence secondaire et je ne manque jamais de passer rue de l’Arquebuse pour jeter un coup d’œil sur mon ancienne maison. C’est ce que j’ai fait il y a quelques semaines. La grille était ouverte, je suis entrée dans la cour, bien plus petite que dans mes souvenirs, mais toujours avec le puits devant une jolie plate-bande fleurie.
Là se trouvait une dame qui m’a regardée d’un air étonné. Je lui ai expliqué que je voulais regarder la maison de mon enfance. Nous avons bien parlé, je lui ai dit combien la maison était inconfortable autrefois, ce n’est plus le cas aujourd’hui, elle a fait faire des travaux et installer le chauffage central… Conversation sympathique, pleine de nostalgie pour moi. Souvenirs d’un temps ancien…
Notre appartement était vaste, mais nous vivions principalement dans la grande pièce, la seule pièce où il faisait bon en hiver. Elle me laisse des souvenirs de la bonne chaleur autour du godin qui rougeoyait et ronflait. Que je me sentais bien là ! Je me rappelle avec précision tous les meubles, nombreux et disparates : la longue table, en chêne massif, recouverte d’un lino moucheté jaune et noir assorti au sol (où je faisais mes devoirs et aussi toutes sortes de jeux avec ma sœur et ma meilleure amie) ; le buffet Henri II, énorme, décoré de colonnes et de chiens sculptés (qui semblaient monter la garde pour m’empêcher d’aller « chiper » du chocolat ou des bonbons), les chaises assorties en cuir avec des colonnettes ; le petit divan servant de canapé sur lequel nous aimions nous vautrer, le bureau dit « bureau de Papa » que personne n’’utilisait et qui plus tard servit de support à la télévision ; les deux fauteuils, celui en cuir pour papa, l’autre, style Voltaire pour maman ; la machine à coudre Singer de maman et surtout son secrétaire, interdit et secret qui m’attirait particulièrement avec ses multiples petits tiroirs et tous les trésors qu’il contenait : bijoux de famille, papiers importants, argent, photos ; dessus trônait un immense poste de radio qui grésillait affreusement lorsque mes parents l’allumaient. J’imaginais, à l’intérieur, de minuscules personnages qui parlaient, mais je n’allais pas voir derrière le poste, sans doute de peur d’être déçue ! Ce n’était pas vraiment beau chez nous, mais je m’y sentais bien, surtout en hiver, ma saison préférée.
Oui, l’hiver était ma saison préférée et si je garde surtout le souvenir de cette pièce en hiver, c’est qu’elle représente pour moi la vie familiale. Cela demande une explication. Mes parents, marchands forains, faisaient des tournées du lundi au vendredi et dormaient dans leur camion aménagé. Ma sœur aînée était en pension au collège de Joigny, mon autre sœur et moi, nous passions la semaine chez des « nourrices » (il y en a eu plusieurs), des femmes assez pauvres qui nous gardaient pour se faire un peu d’argent, chez elles, en général nous n’avions ni coin à nous, ni affection. L’hiver, mes parents faisaient une pause et pour moi, la chaleur familiale est liée à la chaleur de cette pièce autour du godin !
J’ai connu des moments heureux, mais trop rares dans cette maison et pourtant quand je la vois et aussi quand je me promène à Avallon, je retrouve mon âme de petite fille qui voulait malgré tout être heureuse…
/image%2F1169248%2F20240424%2Fob_ba632a_20240424gds-fbonnot-mem-la-maison-de-m.jpg)