Les migrants
Jacqueline Desmaretz
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Ils s’appellent Ibrahim, Farid ou Ahmed venus des pays du sable, des vallées infertiles, des quartiers sinistrés où chômeurs ils errent désœuvrés. Poussés par la misère, la pauvreté, l’horizon fermé, ils survivent en rêvant à l’Europe, là où la vie serait meilleure. Pour y parvenir, ils sont prêts à braver les embûches au mépris de tous les dangers. La faim, la soif, la fatigue jalonnent leur parcours, sans répit, il leur faut lutter contre les passeurs véreux, les brutalités et la violence des coups pour enjamber le bateau surchargé, leur espoir d’accès à la rive promise.
Sur la mer, ballotés par la houle, transis de froid et de frayeur, ils se serrent les uns contre les autres, écopant sans relâche le fond de la cale pour rejoindre, épuisés, les lumières de la côte.
Las ! Tremblants de fièvre et de douleurs, ils ne sont pas les bienvenus, il leur faut encore fuir, se cacher. D’autres, nombreux avant eux ont tenté de franchir cette ligne qui les sépare de l’autre monde qu’ils espèrent meilleur. Fantômes refoulés, ils errent dans des campements régulièrement saccagés.
Pourtant, avec détermination et courage, devant l’inextricable réalité présente de leurs conditions d’existence, ils persistent à vouloir vivre en hommes et femmes libres.
Elles se nomment Salima, Fathia ou Zainab. Elles ont étudié, sont diplômées, aiment le pays où elles sont nées. Elles veulent enseigner, informer, soigner, être artistes ou ménagères. Elles veulent chanter et danser.
Elles veulent vivre, tout simplement vivre comme chaque femme en a le droit ! Sans l’habit qui les rend invisibles, le mari imposé, les normes archaïques qui les infantilisent.
Elles veulent aimer et être désirées, voyager en toute liberté.
Elles veulent quitter leur pays, rejoindre un pays où elles pourraient étudier, travailler.
Elles rêvent de villes où tout serait accessible, d’un pays où elles auraient enfin une place légitime où elles pourraient être tout simplement des femmes.
Elles rêvent, elles rêvent…
Hélas rêves brisés par la triviale réalité des démarches, tractations, rejets administratifs, poursuites, traversées épuisantes et dangereuses, luttes contre les agressions sexuelles.
En dépit des parcours semés d’embûches exigeant des efforts physiques à la limite du possible, elles persistent à lutter contre le sort qui les malmène avec un courage exemplaire, forçant l’admiration de celles et ceux qui acceptent de voir, de les regarder, de comprendre leur détermination.
Ces migrants ne recevront pas de médailles olympiques pour les performances accomplies. Ils seront refoulés au-delà des tribunes vers des lieux excentrés où ils resteront invisibles et noyés dans la nébuleuse appellation de « migrants ».
Ils s’appellent Ibrahim, Farid ou Ahmed
Elles se nomment Salima, Fathia ou Zainab