Chroniq’hebdo | De deux films, d’un livre, du féminisme
Pierre Kobel
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Semaine de lecture et de cinéma entre deux réunions avec les amis de l’APA et la préparation d’un numéro de revue de poésie.
Je suis allé voir Le roman de Jim d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec eux, il y a toujours de l’inattendu, de l’insolite. Ils racontent là une histoire émouvante, celle de Jim et de celui qu’il considère comme son père bien qu’il ne soit pas son géniteur. Ce dernier rôle est porté par Karim Leklou qui prête son corps, son regard au personnage avec la tendresse qui est la sienne. J’étais curieux de ce film, j’ai éprouvé une profonde empathie pour son propos et ses acteurs.
Je suis également allé voir À son image de Thierry de Peretti. Une histoire tendue. Le réalisateur y replonge dans les méandres des luttes nationalistes en Corse. Il le fait en suivant le parcours d’une jeune photographe partagée entre son amour pour un militant et son désir d’échapper à sa condition de compagne prisonnière de sa situation. Film violent qui ne veut pas prendre parti et traduit cela par la mort des personnages. La jeune actrice Clara-Maria Laredo dont c’est le premier rôle porte cette histoire avec une intensité prenante.
J’ai lu le roman de Marie-Hélène Lafon paru l’an dernier, Les sources. C’est l’occasion de revenir à cette écriture que j’aime tant et dont je me disais qu’elle est quasiment à la hauteur de celle de Giono. Lafon nous plonge dans les replis d’une vie bafouée, celle d’une jeune femme enfermée dans la violence de sa vie de couple et qui choisit de s’en libérer à une époque et dans un milieu où cela ne se faisait pas sans opprobre social. Elle donne ensuite le point de vue du mari qui ne comprend pas ce qui lui arrive, esprit rassi dans des préceptes sans nuances. Elle termine le récit avec le point de vue d’une des enfants du couple sur ce passé effacé après la vente de la ferme.
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Je pensais au livre de Marie-Hélène Lafon en écoutant des intervenants du plateau de C à vous parler des violences sexuelles et autres. À Avignon se tient un procès d’importance. Un homme est accusé d’avoir drogué sa femme durant dix ans pour la livrer à des hommes qui ont abusé d’elle durant son inconscience. Le mari et une cinquantaine de ces hommes sont dans le box et risquent de lourdes peines de prison. Voilà des faits qui paraissent incroyables et sont cependant dramatiquement réels. La victime a choisi que le procès soit public pour que la honte soit dans le camp de ses agresseurs. Quel courage il faut à cette femme pour faire face à ce qui lui est arrivé !
Mais je ne peux m’empêcher de me répéter, au-delà des faits qui sont condamnables, que ces affaires d’agressions sexuelles, celles commises là ou celles commises par l’abbé Pierre auparavant et bien d’autres de la part d’hommes de pouvoir comme d’hommes lambda ne sont pas que des faits divers à monter en épingle. Ces agressions posent le problème de l’éducation à la sexualité, de la culture du sexe et du viol, de la morale et de ses perversions quand ceux qui la prônent sont les mêmes qui en cachent les déviances quand ils ne sont pas ceux qui les pratiquent.
Aujourd’hui le retour de bâton inévitable qu’est celui des féministes radicales conduit à d’autres excès, ceux de la stigmatisation, de la dénonciation sans preuve, de l’amalgame entre des actes répréhensibles et injustifiables et des faits sans grande importance qui ne relèvent que d’une remarque ou d’un avertissement. C’est cela qu’énonce Caroline Fourest dans son nouvel essai, Le Vertige MeToo publié chez Grasset. Cette femme, qui n’a plus rien à prouver de son engagement féministe de longue date et qui a contribué à rendre public le comportement de prédateurs qui se croyaient au-dessus des lois, dénonce aussi les excès du radicalisme féministe qui rendent impossible tout progrès des mœurs et de notre société.
Depuis des siècles et encore maintenant, il n’est pas facile d’être une femme libre, une femme tout court. Mais aujourd’hui, quelles que soient les raisons incontournables des combats des femmes, il n’est pas facile d’être un homme dans cette société qui ne s’exprime que par antagonismes aveugles.
Internet
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Allociné | Le roman de Jim
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Allociné | À son image
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RTS | "Les sources" de Marie-Hélène Lafon, une histoire de la violence
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France Culture | MeToo, bilan d'étape : entretien avec l'essayiste Caroline Fourest