Chroniq’hebdo | De la rentrée scolaire, de la BD, de la Ve république, de l’abbé Pierre et des Jeux.
Pierre Kobel
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Rentrée scolaire et une des nouveautés, c’est l’uniforme à l’école. Cela me fait bondir ! Ma génération a connu les blouses grises, bleues et roses jusqu’à ce que Mai 68 permette de les supprimer et on se retrouve de nouveau avec des mômes habillés tous de la même façon. On veut nous faire croire que cela abolira les différences sociales et permettra une égalité bénéfique. Quelle égalité ? Un uniforme donnera-t-il plus de chances d’accéder aux études supérieures aux enfants des banlieues pauvres ? Un uniforme remplacera-t-il un véritable projet d’école, loin des lubies des crânes d’œufs qui dirigent l’Éducation nationale et des ministres successifs qui ne pensent qu’à inscrire leur nom dans une loi ? Un uniforme, ce n’est pas une pédagogie, ce n’est pas un programme, ce n’est pas une vision de la société éducative. Ras-le-bol de cette école pachydermique qui ne veut pas que quoi que ce soit dépasse ni par le haut ni par le bas. L’uniformisation des vêtements n’enlève aucune différence quant au fond, elle n’est qu’un écran de fumée supplémentaire pour satisfaire l’opinion parentale qui ne voit pas plus loin que ses propres enfants et se moque bien des autres.
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Visite au Centre Pompidou de l’exposition Bande dessinée 1964-2024. Une très grande exposition pour dire 60 ans d’un art et comment ces décennies l’ont renouvelé, diversifié et surtout l’ont conduit à l’âge adulte. Un parcours thématique dont un module intitulé Écriture de soi – L’autobiographie dessinée, formes et enjeux qui montre comment la BD a su s’emparer de tous les domaines de l’écriture. Je connais bien les auteurs et les œuvres présentés bien qu’un certain nombre d’entre eux ne sont pas ceux qui m’ont donné le goût que j’ai pour cette littérature. Je suis sorti fatigué, mais heureux de ce long parcours à la très grande richesse.
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On ne nous fera pas croire à du nouveau avec la nomination de Michel Barnier à Matignon. L’homme est un vieux routier de la politique, un notable rodé aux arcanes ministériels, parlementaires et européens. Cela suffira-t-il à ce qu’il dure à la tête du gouvernement face aux oppositions de droite et de gauche ?
J’ai le sentiment persistant qu’on se moque de nous. Les qualités de Barnier n’y changent rien. C’est tout le résultat des élections du 9 juin qui est bafoué. Je crains pour l’avenir.
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Cette situation me ramène à l’idée que la politique se fait à notre insu, entre négociations et coups bas. Une vieille histoire revient à la une et va dans ce sens. C’est celle de la mort de Robert Boulin en 1979. le ministre du Travail avait été retrouvé mort dans un étang de la forêt de Rambouillet. Suicide avait conclu une enquête rondement menée. La famille de Boulin n’avait jamais accepté cette conclusion. Aujourd’hui un nouveau témoignage réactualise la thèse selon laquelle il a été tué par les sbires du SAC sous la gouverne de Charles Pasqua. Alors qu’on reparle de cette affaire à la suite d’un nouveau témoignage qui permet à la justice de ne pas l’enterrer, je lis l’album Cher pays de notre enfance que Benoît Collombat et Étienne Davodeau ont consacré, il y a 10 ans, aux années de plomb de la Ve république. L’assassinat de Robert Boulin en constitue l’important dernier chapitre. Tout ce qu’ils dévoilent au fil des enquêtes de cet album démontre que le gaullisme fut loin de la probité qu’on veut accorder au général. De Gaulle était l’arbre qui cachait la forêt et, dans son ombre, le SAC était à la manœuvre sous l’égide de quelques hauts responsables du régime, formant un panier de crabes qui ne fut à l’honneur de personne. Collombat et Davodeau écrivent :
« C’est l’histoire de la France contemporaine. Celle qui a commencé en 1958 avec l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle et qui se poursuit aujourd’hui sous François Hollande, 7e président de la Ve république.
C’est aussi l’histoire d’une singulière violence française, qui fut légitime pendant la Résistance à l’occupation nazie, recyclée de façon douteuse pendant la guerre d’Algérie, puis complètement dévoyée par le SAC lors de ces années de plomb. »
Encore une fois cela donne à penser de la vie politique et de ce dont sont capables ses acteurs pour arriver au pouvoir et s’y maintenir. Toutes proportions gardées, c’est le constat qu’on peut faire encore aujourd’hui au vu des tractations et autres tergiversations qui ont précédé la nomination de Michel Barnier et qui se poursuivront pour la formation du gouvernement. Il y a longtemps que je n’ai plus d’illusions sur les politiques même si je considère leur présence et leur action comme une nécessité inévitable pour assurer une démocratie fragile qui reste « le moins pire des régimes ».
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La chute posthume de l’abbé Pierre se poursuit. De nouvelles accusations d’agressions sexuelles sont portées contre lui et c’est plus que son image qui est dégradée, c’est aussi l’action qu’il a menée, même si la Fondation qui portait son nom jusqu’à présent est la première à le dénoncer et à être sa victime. Quid de ceux qui savaient et se sont tus ? Pour sauver quoi ? Pour sauver qui ?
Icône d’une France humanitaire, l’abbé Pierre devient emblématique de ces prêtres qui n’ont pas su assumer la chasteté imposée par leur condition. Au-delà du procès qui doit leur être fait, il y a celui qui doit être fait à l’Église pour la rigidité et l’ineptie de ses préceptes.1
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Cérémonie de clôture des Jeux paralympiques au Stade de France. Beaucoup d’émotion et de chaleur humaine après une quinzaine qui a démontré s’il en était besoin que ces athlètes handicapés sont des personnes à part entière. L’émotion, elle est là, mais ce qui m’agace, c’est la façon dont les médias s’en font le relais pour donner de l’écho à leurs émissions. L’important est ailleurs, c’est la visibilité que ces Jeux donnent au handicap et les suites qu’ils auront pour le combat de l’inclusion la plus totale.
Les Jeux auront traversé l’été, portés par une ferveur populaire sans faiblesse qui a donné l’image concrète d’une unité alors que l’actualité conduit plus souvent à ne voir que ce qui nous divise. Il ne faut pas être naïf, une unité sans diversité, sans divergences, serait négative. Mais les discussions impossibles, les exclusions qui sont le lot des politiques ne conduisent à rien, l’actualité le prouve malgré la nomination de Barnier à Matignon.
1 Caricature de Kroll
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