Maison…
Marie-Françoise Després-Lemarchand
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Elle est longtemps la mystérieuse, l’absente, celle des évocations furtives… « Ah si, glisse Maman, j’ai aperçu une fois la maison de Paul, une belle maison, un peu “maison de maître”… »
Le récit des souvenirs paternels reste énigmatique lui aussi — « … j’emportais quelques affaires sans songer un seul instant que je ne retournerais jamais dans cette maison qui… »
Du plus loin que je me souvienne, toutes les maisons qui me hèlent se ressemblent : une grande porte au milieu, deux étages, des volets blancs, des murs de pierre, un toit d’ardoises, un jardin autour. Je les dessine toujours ainsi, sans grand génie certes, avec un petit chemin qui y mène, solide, rassurant, archétypal…
Ce sont elles qui me font signe à travers les campagnes, d’un bout à l’autre des promenades, des trajets, des années, sur les routes de l’Orne et du Perche entre Avranches et Orléans…
Elles me happent ici, à notre retour « au pays », où le cœur fond d’emblée pour la maison qui nous abrite désormais : volets blancs, toit d’ardoises et jardin autour…, douce à l’âme infiniment…
La maison natale de mon père ne lui fut pas forcément douce — souvenir douloureux et pli amer… comme un sentiment de perte, de spoliation (après-guerre ? Obscure histoire d’héritage ? ...)
J’ai franchi quelques années après sa mort, dans la vive mémoire de Verlaine (ayant poussé la porte étroite qui chancelle…) Le portail ne chancelait pas, la nouvelle propriétaire, une Anglaise souriante, me voyant fureter, est venue m’ouvrir. Allée de graviers, jardin de buis et d’hortensias. Dans un anglais approximatif, j’ai tenté d’expliquer : « A long time ago, my father, my grand-father lived here... ». On m’a gentiment conviée à franchir la porte, à entrer dans le vestibule. Murs ocre et vert, aux tons passés. J’ai compris que des travaux étaient envisagés… J’ai effleuré les murs, les larmes aux yeux, c’était donc là… L’Anglaise m’a souri : « Yes, I understand... » Des chiens ont déboulé en aboyant d’un large escalier qui tournait vers les étages. Invitation, limite. Je suis ressortie par le jardin. Nous avons échangé nos adresses…
Il reste les rendez-vous de loin lors des rituels passages « sur les tombes » du Theil. Je pousse alors jusqu’aux Glivets. La maison est toujours là, je l’aperçois sur la butte, me fait-elle signe ? Moi, oui. Elle a désormais une barrière bleue, des volets roulants et une bizarre « extension » sur son flanc droit.
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