À propos de vieillir et de se plier aux soins…
Catherine Bierling
La lecture d’un texte de Pierre, datant du 13 janvier (« quelle diablerie de l’existence que de me trouver obligé de me plier aux soins et autres examens… ») m’avait ramenée à des réflexions similaires pré- et postopératoires…
Dès le printemps 2024, la ronde des examens préparatoires et des soins dentaires prophylactiques m’avait plongée dans une expérience que je repoussais depuis longtemps de toutes mes forces. Mais j’avais enfin pris la décision de me soumettre à cette opération de la hanche, puisque c’était ça ou boiter et souffrir jusqu’à la fin de ma vie.
Mon dernier séjour à l’hôpital datait de 40 ans. J’avais peur, oui, des blouses blanches, des examens, de l’anesthésie à venir et de cet homme qui allait trancher dans ma chair et dans mes os. Je redoutais que l’on touche à mon intégrité physique, mais je ne pouvais plus reculer.
Arriva un moment où je finis par me dire : oui, je consens, que ta volonté soit faite, toi, corps blessé récalcitrant, mais désormais incapable d’avancer normalement.
M’est revenue alors à l’esprit une partie du poème Dans le leurre du seuil d’Yves Bonnefoy. Elle comprenait cette répétition, comme une litanie : oui, je consens.
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« Oui, moi, les pierres du soir, illuminées
Je consens (…)
Moi, le feu, moi
La pupille du feu dans la fumée
Des herbes et des siècles, je consens
Moi la nuée
Je consens. Moi l’étoile du soir
Je consens. (…)
Moi, les grappes de mondes qui ont mûri
Moi le sommeil,
Je prends le rêve dans mes barques, je consens. (…)
Oui, par la mort
Oui, par la vie sans fin
Par hier réincarné, ce soir, demain
Oui, ici, là, ailleurs, ici, là-bas encore
Oui, par même l’erreur
Qui va
Oui, par le bonheur simple, la voix brisée… »
Ces mots me reviennent parfois quand la route est si difficile qu’on a peur d’avancer, où tout vous semble si nul, si vain, si désespérant. Oui, je consens. Au moment de l’opération, c’était : oui, je m’en remets à ces personnes (admirables) qui ont pour profession de soigner et de guérir. Je m’abandonne à l’inéluctable. Oui, je consens.
Une opération de la hanche, c’est risible, c’est une routine, mais c’était quand même pour moi un moment difficile à vivre. Le souvenir de ce magnifique poème — parfois bien obscur — d’Yves Bonnefoy m’a soufflé ces trois mots qui m’ont aidée à franchir les barrières de ma peur. Il y aura sans doute encore bien d’autres obstacles, bien plus terrifiants à franchir jusqu’aux dernières grandes noirceurs, mais ce poème m’a momentanément aidée à avancer.
Ou, comme le dit Orelsan de manière beaucoup plus simple :
« Quand t’as le désert à traverser
Rien d’autre à faire que d’avancer… »
Et je ne dis pas que ce soit facile…
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Wikipédia | Yves Bonnefoy