Journal des jeûnes de 2012 à 2015 – Chapitre 2

Christina et Jean-Paul Schwab

1^er Jeûne — Chapitre 2

Lundi 30 juillet 2012 — Premier vrai jour de jeûne

Ch — 3 h du matin. Léger mal de tête occipital gauche. Courbatures, vertiges.

5 h 10. Téléphone à Thomas, notre fils. Il nous avait demandé de le réveiller pour son premier jour d’apprentissage de conducteur de poids lourds. Pendant un an et demi, il fera, à vélo et par tous les temps, 9 km matin et soir pour rejoindre son lieu de travail. Nous avons dû lui louer un studio en ville, car il doit être au travail à 5 h 30 et il n’y a pas de train si tôt le matin depuis chez nous. À 16 ans et demi, le voilà quasi indépendant et très fier de l’être.

7 h du matin — Je HAIS les mouches ! Celles qui viennent bzzi-bzziter à votre oreille à l’aube. Côté estomac tout va bien. Petit déjeuner — une tasse d’eau chaude — mal de tête néant. Courbatures… je sens mes forces me quitter — non, je rigole. La vie s’écoule tout doucement. Argh ! Pas encore faim. Serait-ce possible ? Je fais des cauchemars, mais pas sur la bouffe. Je ne monterai plus jamais en tête de train — j’ai dû rêver d’un déraillement. Je retourne me coucher, souhaitez-moi bonne chance.

JP — 5 h 35. Je n’ai pas pu me rendormir, mais l’humeur est excellente. C’est même moi qui nous prépare les tasses d’eau chaude du petit matin. Je ressens mon ventre de manière inhabituelle. Peut-être de n’avoir pas mangé de viande hier.

Ch — 9 h. Poids de départ 88 kg. Ce matin, 86.7 kg (−1,3 kg). Je ne pensais pas que cela irait aussi vite. Après que JP ait trucidé deux mouches à 7 h, j’ai réussi à me rendormir jusqu’à 9 h. Thomas n’a pas réussi à dormir avant 1 h 30 - 2 h, lui, nous a-t-il dit à 5 h 10 ! Aucun signe côté estomac. Juste des courbatures partout, comme en cas de rhume et la tête un peu prise. D’où, peut-être, l’importance de l’exercice physique ?

JP — Poids hier matin 105,9 kg — Poids ce matin : 105,5 kg

Ch — 10 h 45 — Pris une bonne douche. Pas faim, mais mon sens de l’odorat est démultiplié, je sens à fond toutes les odeurs résiduelles de nourriture dans la cuisine. Je m’en nourris, haha. En même temps je sens très bien que mon estomac, lui, ne sait pas encore qu’il ne recevra pas sa ration quotidienne. Quand j’ai reçu des demandes de sa part ce matin, chaque fois, je lui ai enjoint : « Va puiser dans tes réserves ! ». Je sens que je ne dois pas dériver d’un iota de ma ligne de conduite. De l’eau, encore de l’eau, toujours de l’eau. Je sentirai de même lorsque je pourrai prendre autre chose. L’humeur fluctue. Avec tout ce temps libre et mille et un projets rêvés, j’ai envie de tout « bouffer », c’est le cas de le dire, mais j’hésite devant l’ampleur de la tâche. Cinq secondes plus tard, je n’ai plus envie de rien. J’ai pris de l’huile de ricin tout à l’heure, juste pour voir. J’attends les résultats. J’ai l’impression que mon corps n’a vu que le mot « huile » et a tout de suite traduit par « nourriture ». J’aimerais bien aller me promener, regarder des films et surtout travailler (écrire). Je suis contente de participer à ce cahier, je me sens « créative ».

JP — Je viens d’arroser les plantes. À l’eau, tout comme nous. Mais où est passée ma chlorophylle ? Bon ! Pour le moment j’ai l’estomac creux. Il est 11 h 10, c’est habituel. Le premier vrai repas sauté, c’est maintenant que ça commence. À l’heure du déjeuner, nous allons visionner L’éthique du souterrain, un film sans grignotage. Après le film. Nous ressentons un certain malaise sur le moment, mais… courage, ça passera.

Ch — 12 h 45 — Mal au ventre. À la tête (léger, aléatoire). C’est le premier vrai repas que je saute. C’est à partir du combientième qu’on commence à s’entre-tuer et fouiller les poubelles ? Quand je commencerai à regarder mon Jeannot d’un air concupiscent, je lui demanderai de cacher les couteaux de cuisine. En attendant, il nous fait une tisane fenouil-piment. On va goûter ça ! Ce qui ne nous tue pas… comme dit Thomas.

JP — Un petit moment, très court, de sentiment de détresse. Je prends la peine de l’écrire pour bien m’en souvenir et le démystifier. Cela fait à peine 19 h que j’ai pris mon dernier repas. Aucun danger donc. Par contre, j’ai pris mes opiacés (contre la douleur) il y a un peu plus de 40 minutes. Est-ce lié ?

Ch — 15 h 20 — J’ai dormi un bon moment. J’en bâille encore. J’use fréquemment des toilettes. J’ai eu des nausées. L’huile de ricin a bien fonctionné. Je me distrais en regardant une niaiserie de Nina Companeez sur la Russie. J’aimerais travailler un peu, mais je ne sais pas par quoi commencer. Je gicle dans tous les sens. Commence moult choses sans les terminer, c’est le chaos. J’en ris parce que je reporte la faute sur le jeûne et cela me déculpabilise. Toujours un léger mal de tête, mais pas vraiment faim. Ceci dit, le moral est bon, le mental aussi et je suis ravie de faire cette expérience.

JP — Je me suis endormi 20 minutes dans le désert du Namib. C’est-à-dire pendant que nous regardions une vidéo sur le sujet… Nous avons bu une infusion de légumes très peu salée. Ce fut un vrai réconfort.

Ch — Visionné ce film : 28 jours plus tard à cause Cillian Murphy sans doute. Pas génial. Je n’aime pas trop les films de zombies. Chaque fois, je me dis que cela aurait pu être beaucoup mieux, plus intelligent, plus instructif avec le même type d’arguments. Bu un bon bouillon, super ! Plus mal à la tête. Après ce film-là, nous avons enchaîné sur A glorious mess un documentaire sur la syllogomanie (accumulation compulsive). Un trouble dont semble bien être atteint notre voisin et ami (mais pas que lui). En même temps nous avons bu un « Pu-er » thé. Ça passait bien.

Téléphone de Thomas pour nous raconter son premier jour d’apprentissage. Il est épuisé bien sûr après sa nuit presque blanche, mais il est rassuré désormais, après avoir fait connaissance avec l’équipe de ses futurs collègues. Ce sont des durs, mais pas des monstres ! Il est passé par la Migros pour se remplir un sac de nourriture puis il s’est fait réchauffer des flageolets. Rien que le mot me fait saliver. Ceci dit, rien de tel que tous ces films pour détourner l’attention… sauf quand on les voit croquer dans un jambon-beurre bien sûr !

À suivre…