Quand on s’est aimés
Nadpic
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Dans la coopérative où je me fournis, je trouve dans les pommes en vrac un spécimen curieux (photo). J’y associe tout aussi curieusement et, aussitôt, une envie d’écriture, je vois là un symbole de ma réflexion sur l’amour et les amours passées. Je sais qu’il faut de l’imagination pour passer de la pomme à cet autre sujet, mais bien d’autres avant moi en ont abusé !
Ce fruit difforme avec ses différences, ses formes diverses, ses couleurs distinctes est un ensemble de deux entités réunies qui se complètent, mais ne s’annulent pas. Mes réflexions m’entraînent jusque-là. Cinq fruits et légumes par jour, je n’ai pas fini de gamberger !
Amour passé, celui auquel je pense laisse à présent dans son sillage de bons souvenirs, les mauvais, les douloureux sont enfermés hermétiquement dans une boîte que je ne tiens pas à rouvrir.
Il est chez moi.
Il sort de la cuisine, mais, malgré plusieurs jours dans mon appartement assez réduit, il ne sait pas s’il faut tourner à droite ou à gauche pour rejoindre l’autre pièce.
Il cherche l’interrupteur, mais n’a pas l’idée de se déplacer un peu pour le trouver ; il caresse le mur, frotte, frotte encore et encore, comme si, par magie, il allait apparaître.
Il met un temps infini pour se faire une tartine, pour les gestes simples, et il ajoute un humour décalé à la situation « T’as vu, je m’applique ! » Il rit, on rit.
Mon fils grippé ne peut recevoir son père comme prévu pour le week-end de Noël. Je me retrouve sans l’avoir décidé, en tête à tête avec B. alors qu’on est divorcé depuis 20 ans, c’est disons « spécial » ! Quel mot trouver ?
Diagnostic tardif, maladie de Parkinson. Médicaments stabilisant les effets, mais forcément pas tous.
Notre chemin commun, notre passé s’est transformé en une amitié particulière. Je peux lui dire, et lui de même, ce que personne n’ose dire, on peut rire de choses graves ensemble pour les mêmes raisons.
Je bouge, il bouge et me suit.
Je me fais un café, idem. Tout est au ralenti, maladroit, ses pas comme ses décisions. En fait, il ne décide rien, je dois, moi qui vis seule depuis des lustres, décider pour deux. Aïe !
Je l’ai beaucoup aimé. J’ai eu avec lui mes enfants, mon cadeau éternel.
Puis la vie a fait son parcours, d’autres envies de chemins pour l’un et l’autre et on s’est éloignés.
La pomme s’est fendue en deux, chacun la mangeant à sa façon.
Après quelques jours, il repart ; épuisée j’ai hâte de souffler.
L’accompagner en gare, le rassurer pour l’horaire, le rassurer pour le quai, trajet de train sans correspondance par sécurité et évidence.
Quand j’apprends qu’il a oublié de descendre à l’arrêt prévu malgré l’appel du fils juste avant, je pleure.