Celle qui n’avait pas sa place
Elizabeth LC.
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J’avais grande envie de lire le récit d’Adèle Yon, Mon vrai nom est Élisabeth (éditions du Sous-sol, février 2025), pour un tas de raisons : j’en avais lu d’excellentes critiques, le sujet m’intéressait, et puis, même si c’est ridicule, la mention de mon prénom m’attirait… On connaît le sujet, sur lequel je ne m’étendrai pas : Adèle Yon apprend que son arrière-grand-mère, Élisabeth (que dans la famille on appelle invariablement Betsy) a été une malade mentale, atteinte de schizophrénie, et qu’elle a été internée pendant de longues années. Devant le mur de silence qui règne autour de cette personne qu’elle n’a pas directement connue, Adèle décide d’enquêter pour faire la lumière ; son livre est le récit de cette enquête.
J’avais un a priori très favorable envers ce livre. Je l’ai trouvé certes d’un grand intérêt, mais beaucoup de choses m’ont agacée et empêchée d’y adhérer complètement. La première est la confusion qui a régné dans mon esprit, durant toute la lecture, sur les relations familiales entre les divers personnages, dont très peu sont désignés par un prénom, mais la plupart par le lien de famille qu’ils avaient avec Betsy (la fille aînée, la cousine…) J’en suis arrivée, pour m’y retrouver, à prendre des notes et même à dessiner un arbre généalogique approximatif.
La seconde concerne l’aspect médical du « cas » de Betsy. Il est certes utile, pour comprendre la problématique exposée, de situer la lobotomie telle qu’elle a été pratiquée en France dans les années 1950, et la croyance en une origine organique de la maladie mentale, mais je trouve que l’abondance des détails techniques est rébarbative, et fallait-il vraiment citer (pp. 264 à 272) les dossiers de plusieurs autres femmes ayant subi cette intervention ?
Ayant dit tout cela, je me trouve injuste, car il y a quantité de points forts et bien développés dans le livre, à commencer par la manière dont Adèle Yon mène et raconte son enquête, sa persévérance, les murs auxquels elle se heurte, les discours qui ne font rien avancer, la mauvaise foi. On découvre comment Betsy a été « gérée » pour que sa maladie ne fasse pas de vagues, ne soit pas gênante ; les raisons pour lesquelles on lui a dénié toute autonomie ; le rôle de son mari. Il faut savoir qu’à la racine de la quête entreprise par Adèle, se trouvait sa crainte d’être atteinte elle aussi par une maladie mentale. Il y a des passages très puissants comme celui où Adèle évoque la colère de Betsy, qui devient la sienne propre. Bref, lisez ce livre et faites-vous votre opinion…