Retour d'anciennes fractures ou comment tenir debout

Ph.M

Ma petite fille passe son bac cette année, en philo, sujet « la vérité est-elle toujours convaincante ? » Pour ma part je dirais non. Qu’en ont dit les penseurs de toutes époques, je ne sais pas vraiment, ayant dû quitter les études trop tôt, je n’ai pas eu à me confronter à leurs idées, et cette vacance du savoir m’a longtemps traumatisé, et empêché d’être réellement au monde, ce sentiment de ne pas être à la hauteur, d’être ostracisé par les « sachants » m’a fait tellement de mal, à 18/20 ans on n'a pas forcément toutes les armes. Il en aura fallu du temps pour récupérer ce déficit intellectuel, combler cette béance comme un puits sans fond, la vie, celle que j’ai choisie s’en est chargée. Puis j’ai cru comprendre que le savoir universitaire, s’il révélait mes lacunes, me laissait toute latitude à la réflexion personnelle, à mes recherches propres, et que je n’avais pas à rougir de mes manques.

La vérité, on peut la refuser parce que blessante, injuste, inégale, voire douloureuse. On peut refuser de s’y plier par ignorance, par mauvaise foi, par calcul, par peur.... On peut la contourner pour y revenir, il est bien possible que nous ayons chacun la nôtre, l’essentiel étant de ne pas l’infliger à l’autre, ce qui aurait pour effet bénéfique de nous éviter les épouvantables actualités du moment… Peut être que la seule vérité est que le temps fait son job, il passe ; il passe plus ou moins bien, mais il passe. Et nous l’imitons, en nous agitant, c’est notre condition. J’ai bien conscience que ces quelques lignes ne font qu’effleurer le sujet, mais au moins, ce n’est pas l’éviter.

La mer, auprès de laquelle je vis, m’apporte sa propre vérité, tant elle impose de rester humble face à sa puissance et sa beauté, je vais souvent naviguer sur son dos, et elle me révèle mes angoisses, parfois mes peurs, mais sait être aussi généreuse en cela qu’elle peut aussi apporter calme et volupté.

Comments

[Anne-Marie]

Ce texte de NIETZSCHE, me semble assez bien expliciter ce que vous dites de la vérité: "Tu vois maintenant une erreur passée dans cette chose que tu aimas autrefois comme vraie ou comme probable : tu la rejettes loin de toi et tu te figures que ta raison vient de remporte une victoire. Mais peut-être cette erreur, jadis alors que tu étais un autre (on ne cesse jamais d'être un autre) t'était-elle aussi nécessaire que tes "vérités" d'aujourd'hui ; c'était une sorte de peau qui te cachait, te voilait bien des choses que tu n'avais pas encore le droit de voir -c'est ta nouvelle vie, ce n'est pas ta raison qui t'a tué cette idée ; TU N'AS PLUS BESOIN D'ELLE, elle s'effondre sur soi, et sa déraison vient au jour, elle sort en rampant comme un ver. Quand nous exerçons notre critique ce n'est pas arbitrairement, ce n'est pas impersonnellement, c'est, souvent au moins, parce qu'il y a en nous une poussée de forces vivantes en train de dépouiller leur écorce. Nous nions et nous sommes obligés de le faire parce qu'il y a quelque chose en nous qui VEUT vivre et qui VEUT s'affirmer, quelque chose que nous ne connaissons, que nous ne voyons pas encore !"

[Anne]

J'aime bien le lien entre le titre, le texte, la photographie. Surtout, petit sourire, à la vérité, je dois avouer que ma lecture trop rapide, la première fois, m'a induite en erreur. J'avais survolé et ai été surprise de découvrir cet énoncé : "Retour d'anciennes factures", sans le "r". De quoi attiser ma curiosité. Les notes de frais de l'existence nous conduisent parfois à ne régler l'addition qu'un peu plus tard, dans nos vies. Je ne suis pas philosophe et pourtant j'ai fait des études. Cela ne me complexe pas. C'est ainsi... Souvent les gens mettent dans le même sac littérature et philosophie, et je réagis toujours assez vivement. Il me semble que c'est une tournure d'esprit très différente. Finalement, chacun tient debout comme il le peut... Et nous ne choisissons pas toujours.