Sinon j’oublie

Anne Poiré Guallino

Sinon j’oublie est le titre d’un livre de Clémentine Mélois paru aux éditions Grasset en 2017, et le problème, c’est que je ne sais plus du tout qui me l’a recommandé ! J’espère que ce n’est pas l’APA, le blog Grains de sel, sans quoi ce message sera redondant.

Je l’ai demandé à la médiathèque, il doit bien y avoir une raison. Qui a pu m’en faire l’article ?

Le sous-titre, ou plutôt la classification associée, c’est écrit noir sur fond rouge, peut surprendre : « Roman ». C’est d’ailleurs ce que j’ai le moins aimé dans ce livre, sa part de fiction.

Mais, sinon, des photographies couleurs le ponctuent, révélant une partie de la collection visiblement vraie, elle, autobiographique, de listes, rassemblée par l’autrice, et là, c’est un régal. Vous faites sans doute comme toutes ces personnes, qui les abandonnez ici ou là, dans la rue, dans votre chariot ou plus sagement dans la poubelle en rentrant… Vous griffonnez « café », « un poireau », « 120 gr noix » et vous biffez. Ou pas. Ces listes, qui nous ressemblent, et que nous jetons, sans nous pencher jamais sur elles, sont un appel à l’imaginaire.

Et ce livre veut combler, par une rêverie sur les supposés « propriétaires » de ces mots, la lacune qui fait qu’on ne sait rien sur qui a écrit cela.

J’ai beaucoup aimé ces listes, dans leur matérialité.

À vrai dire, j’ai surtout adoré la préface, deux pages et demie qui à elles seules ont su me séduire et que vous pourrez lire si vous consultez le lien ci-dessous. L’incipit est une parfaite synthèse du monde tel qu’il tourne, en une révélation, une évidence : « L’humanité se divise en deux catégories : les jeteurs et les gardeurs. »

Je n’appartiens pas à la première catégorie, vous l’aurez compris.

Un peu plus loin, avec humour et sagacité, Clémentine Mélois écrit « (…) on trouve aujourd’hui sur les trottoirs des villes des fragments plus fragiles de la vie des autres. Il suffit d’être attentif et de se promener en regardant par terre. Les bouts de papier qui traînent sont souvent des listes de commissions. Personne ne les convoite, il n’y a qu’à se baisser. Comme il y a des coins à champignons, il y a des coins à listes : autour des supermarchés, bien sûr, mais aussi n’importe où ailleurs, et ce sont là les plus belles trouvailles car plus inattendues. »

Vous en voulez encore un peu ?

Plus loin, elle ajoute : « Les listes de commissions, comme le journal intime, ne sont pas censées être lues. Elles révèlent les manies, les habitudes, le caractère, la graphie et l’orthographe de chacun. On les jette pourtant sans façons (elles sont biodégradables), on les expose de façon impudique aux yeux de tous. Qui s’intéresse à un bout de papier qui traîne ? Cela n’a aucune importance. Et pourtant.

Dès que j’en découvre une, je me dis « ah ! Celle-là je ne l’avais pas ! » Comme pourrait s’écrier un enfant qui collectionne les images Panini. »

Elle mène alors l’enquête, s’amuse.

Elle a extrait 99 listes de sa collection, qui sont ensuite reproduites, associées à des portraits très personnels. Chacune se distingue par sa graphie, enfantine, masculine, déliée ou au contraire très rigoureuse, sa couleur, sa façon d’être ou non froissée, déchirée, découpée, déchiquetée, rayée, plus ou moins lisible…

Même si vous ne lisez pas ce livre, je crois bien que vous ne regarderez plus jamais vos listes de la même façon !

Internet

• Wikipédia | Clémentine Mélois

• Grasset | Sinon j’oublie

Comments

[Nadpic]

Merci pour cette belle piste pour atelier d'écriture !
Pour ma part, ce que je trouve curieusement par terre, ce sont des pages de livres. Je les garde bien sûr.
NP