Chroniq’hebdo | De la campagne, de Giono, de François Sureau et de Franz Fanon
Pierre Kobel
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Semaine précédente plus paisible que je l’appréhendais, mais il a suffi d’un instant fugace, d’un regard sur une pièce ou un objet pour que me revienne toute la peine de l’arrachement à cette maison qui représente cinquante ans d’histoire familiale.
Un soir, je vais faire un tour jusqu’au village éloigné de quelques kilomètres où j’ai passé nombre de vacances dans la petite résidence secondaire de mes grands-parents. Traversée de quelques lieux de souvenirs dans un quasi-désert. J’avais à la fois le sentiment d’une grande proximité par le souvenir et celui d’être dans un musée hors du temps. Cette notion du temps est implacable. Cela nous dévore vivant qu’on le veuille ou pas.
Le lendemain j’ai retrouvé durant quelques heures celui qui était mon compagnon de jeux dans ce lieu. La ferme de sa famille était voisine de la petite maison et j’ai arpenté la campagne environnante avec lui à vélo, je me suis roulé dans les bottes de paille. Nous nous connaissons depuis 65 ans et, même si la vie nous a éloignés parfois, nous sommes toujours heureux de pouvoir échanger des souvenirs et nos actualités présentes.
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En fouinant dans la bibliothèque d’une chambre, je suis tombé sur une édition de Regain de Giono que j’ai relu. Somptuosité de la langue. Comment peut-on écrire ainsi, si richement ? À chaque fois que je me replonge dans l’œuvre de Giono, je suis subjugué tant il sait mêler intimement le charnel, le trivial, les éléments matériels, ceux de la nature à une dimension métaphysique. Il y a sans cesse de l’élévation dans son écriture et, même si ses opus d’après la guerre, expriment plus d’amertume et de désillusion, ils n’en conservent pas moins cette aspiration.
Il me faut beaucoup le lire et le relire dans la perspective des journées de l’APA de 2026. La place qu’il donne à la nature sera un éclairage puissant à nos travaux.
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Depuis le week-end retour dans nos banlieues. Je suis encore dans le désordre de ce retour. Tout ce que je range me donne le sentiment d’un mouvement sans fin.
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J’ai repris la lecture interrompue durant ces vacances du gros livre de François Sureau, L’or du temps. Une lecture très plaisante et difficile à la fois, car Sureau fait preuve d’une telle culture que chaque page est chargée d’une densité qui devient parfois presque asphyxiante.
Je connais peu cet homme dont le parcours est riche d’aventures, d’expériences et d’engagements. Mais que penser de sa personnalité ? Est-il seulement un grand bourgeois toujours un peu revenu de tout ou un de ces hussards de la littérature qui ne savaient plus à quel saint se vouer à force de déceptions ? Et j’aime quand il dit dans un entretien au Monde qu’« on écrit parce qu’on ne peut pas faire autrement. Parce que la difficulté d’être se résout par la littérature. Lire m’a procuré un tel bonheur aussi. J’écris par contagion de la lecture. Être totalement dans la littérature, non seulement en lisant, mais en faisant, était pour moi la seule issue. » Combien je me reconnais dans ces propos même si je ne me compare pas à lui, écrivant de contrebande que je suis !
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Séance de cinéma après m’être éloigné des salles depuis des semaines, pour aller voir le Franz Fanon de Abdenour Zahzah (un autre biopic est consacré au personnage de Fanon en ce moment).
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Depuis longtemps je suis attiré par ce personnage sans bien le connaître pour autant. Il est de ceux qui n’ont jamais plié et permis de reconnaître ceux que le pouvoir colonial voulait effacer de l’Histoire. « Le colonialisme et l’impérialisme ne sont pas quitte avec nous quand ils ont retiré de nos territoires leurs drapeaux et leurs forces de police. Pendant des siècles les capitalistes se sont comportés dans le monde sous-développé comme de véritables criminels de guerre. Les déportations, les massacres, le travail forcé, l’esclavagisme ont été les principaux moyens utilisés par le capitalisme pour augmenter ses réserves d’or et de diamants, ses richesses et pour établir sa puissance. » écrivait-il. J’ajouterai pour aller dans ce sens que les pouvoirs autoritaires de toutes natures ne connaissent que la force et la violence pour s’imposer et qu’ils préfèrent des adversaires qui leur ressemblent plutôt que ceux qui utilisent les mots pour les combattre. Je ne sais ce qu’il serait advenu de Fanon s’il n’était mort de leucémie à l’âge de 36 ans, mais ses écrits, son discours le plaçaient dans le collimateur de ses adversaires, comme le sont les artistes et les écrivains qui dans le monde dénoncent les oppressions grandissantes de toutes parts.
Internet
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Wikipédia | François Sureau
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Wikipédia | Franz Fanon
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Allociné | Franz Fanon