Chroniq’hebdo | Des livres, d’un livre et d’un film
Pierre Kobel
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J’entreprends de ranger les piles de livres qui envahissent le sol de mon séjour. Mais je ne fais que constituer d’autres piles et envahir d’autres espaces. À la radio des intervenants disent combien la sédentarité est nocive pour la santé et favorise les risques de maladie cardiaque. Je vais me bouger à vouloir ranger mes livres. Je me perds dans un vertige de piles, de titres, d’auteurs, de redécouvertes et de questions quant à l’utilité d’en posséder autant. Dans Le Monde, Thomas Chatterton Williams écrit : « De même que s’habiller ou voyager, lire est une activité qui, au bout du compte, peut être au service d’une ambition. Il s’agit de se réinventer, de s’imaginer plus fort, plus authentique, capable de s’élever au-dessus des circonstances et de prendre un nouvel élan pour affronter le monde. Ainsi, une autre version de nous-mêmes apparaît en notre for intérieur : elle nous ressemble, mais elle est un peu plus sophistiquée, plus intéressante, plus proche de qui nous voudrions être… Et puis nous nous efforçons de calquer notre vie réelle sur cet idéal. C’est par ce moyen que nous commençons à ressembler à ce que l’indomptable pouvoir de l’imagination nous avait fait entrapercevoir. »
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Parmi mes livres des abécédaires. Celui que Jacques Ponzio consacre à Monk : « Le bruit le plus fort au monde, c’est le silence. » Et l’homme s’y connaissait en la matière ! Et je remets sur le dessus, celui consacré à Vialatte. Il écrit à propos de la littérature : « Nos petits-enfants nous demanderont compte de ce que nous avons dit et de ce que nous avons tu dans une époque où toute la civilisation s’est mise à trembler sur ses bases, où la nuit tombe, où les colonnes s’écroulent. L’éléphant blanc leur paraîtra futile, l’escargot superfétatoire et la mercière hors de saison. Et même toute la littérature d’une époque où l’histoire accapare toute la scène.
C’est pourtant la littérature qui a souvent le dernier mot, car elle survit aux guerres. L’Iliade a survécu à Troie. »
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Il a raison, la littérature survit à tous les maux. Cela me ramène à Olivier Norek, que j’évoquais la semaine dernière et à la lecture que je viens de faire des Guerriers de l’hiver, son dernier livre. Occasion de découvrir cet épisode méconnu de l’histoire du XXe siècle que fut « la guerre de l’hiver », de fin 1939 au début 1940, lorsque, durant 98 jours, Staline et l’Armée rouge tentèrent d’envahir la Finlande voisine. Face au rouleau compresseur des Russes, quelques millions de Finlandais résistèrent jusqu’au bout de leurs forces.
Norek mêle sa science du récit à une documentation sans faille. Pour raconter ce conflit oublié qui eut des conséquences sur la suite de la Seconde Guerre mondiale. Il met en avant une unité de combattants finlandais qui existèrent sur un front d’importance stratégique et celui que les Russes appelaient « la mort blanche » et ses compatriotes « le tireur magique, Simo Häyhä, qui, à lui seul, élimina plusieurs centaines d’adversaires.
C’est un roman qui fait écho à l’actualité au regard de ce qui se passe en Ukraine. Les prédateurs sans humanité que sont certains gouvernants, Poutine aujourd’hui, Staline et Hitler hier, Trump à sa façon, survivront moins longtemps que ceux qui leur résistent avec le poids des mots.
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Parfois, quand je vois un film, je sais ce que le cinéma a de plus que la réalité. Comme je le sais après avoir lu un excellent livre, un poème qui me parle, en écoutant une chanson, un morceau de musique qui me touche. Après avoir vu le dernier film de Joachim Trier, Valeur sentimentale, je suis sorti bouleversé. Bouleversé je l’ai été puisque le réalisateur commence par donner la parole à la maison, qui est le lieu central de l’histoire. Bouleversé aussi par la présence de l’actrice norvégienne Renate Reinsve, une jeune femme de l’âge de mes fils. Elle transperce l’écran et je n’attends que de la retrouver dans d’autres réalisations.
Ce film m’a donné aussi à réfléchir sur la vieillesse et le comment continuer, le pourquoi décrocher.
Mais il m’interroge aussi sur le vrai et la fiction. Que disent un tel film, un texte, une chanson, de plus que la réalité ? J’aime depuis toujours cette phrase de mon cher Claude Roy qui dit : « Il faudrait essayer de ne pas accorder trop de réalité à la réalité. Le monde a grand besoin que nous doutions un peu de son existence. »
Internet
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Michel Lafon | Les guerriers de l’hiver
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Allociné | Valeur sentimentale