L’APA et moi – Premiers pas
Lucie Saulle - Marsol
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Ce sont déjà des souvenirs lointains, 2002 ! Je venais de me sentir en phase avec ma nouvelle vie de retraitée. Il m’avait fallu presque deux années pour me mouvoir, plus à l’aise dans ce nouveau temps, je veux dire dans la durée des jours qui passent sans rythme, un peu fades, toujours les mêmes. Finalement l’écoute, le regard autour de soi, l’opportunité de se raccrocher à quelques branches amies, proposant des activités diverses susceptibles de nourrir les jours en les rendant plus attractifs. Je venais de m’inscrire dans un atelier d’écriture. Depuis deux mois environ, une fois par semaine durant deux heures, je me laissais guider par les suggestions d’une animatrice. Elle proposait des sujets qui me paraissaient tous imprévus, changeants, mais, disait-elle, je laisse un joker sur la table, vous pouvez vous en servir pour un écrit personnel ou en cours d’écriture. Cette formule me convenait, on y abordait des souvenirs heureux ou dérangeants, des moments cruciaux de nos vies, les fenêtres ouvertes sur des lendemains différents ou improbables. Chaque séance se terminait par un temps de lecture de tout ou partie de nos écrits.
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Sur mon bureau, à la maison, j’avais laissé quelques cahiers ou feuilles éparses concernant mon métier. Des pages écrites dans une certaine effervescence au bout de ces journées peuplées de questions angoissantes, sur notre avenir, notre devenir, notre vie de soignants face à ces dangers mal cernés. J’avais saisi le joker pour visiter mes tiroirs fermés jusque là.
Ces pages, écrites à chaud, dans l’émotion, rendaient compte de ces moments « cruciaux », je venais enfin de les lire, relire, réécrire en partie peut-être. L’atelier d’écriture m’avait donné l’audace, d’où le pourquoi de l’étalage d’une partie du contenu de ces tiroirs, en évidence peut-être, surement une maladresse. Gênée que mon invitée, Martine, cousine de mon compagnon, reçue pour la première fois chez moi, me dise les avoir vues et lues en partie. Je me sentais idiote de ma négligence, surtout à cause de ces phrases, brutes, naïves. Elles avaient eu pour mission d’être un exutoire à mon, désarroi d’alors.
Ces mots devaient, auraient dû rester cachés, lus seulement par moi-même. Si je pensais pouvoir en faire un emploi mesuré, dans l’atelier d’écriture, je n’étais pas sûre qu’ils puissent être lus par une jeune personne cultivée que je connaissais à peine.
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Les journées passaient vite, mais Martine, petit à petit, au cours de ce week-end, arrivait à me dire que ce témoignage de vie professionnelle pouvait être intéressant pour d’autres. Elle m’a parlé de l’APA, du recueil de ces écrits intimes, témoins de vies diverses, si riches parfois, souvent, d’enseignements, et d’émotions, appréciés, de plus en plus depuis ce temps-là, par de nombreux chercheurs.
Finalement, après quelques lectures de la revue La faute à Rousseau, j’avais mordu à l’hameçon. Je participais au groupe de Toulouse entériné en 2003 par la visite de Philippe Lejeune.
Je déposais ces pages encore brûlantes et douloureuses sur l’expérience du SIDA dans les soins infirmiers (n°APA 1852), suivirent d’autres écrits concernant l’enfance pendant la guerre (n°APA 2480) et autres réminiscences apparues au cours d’autres ateliers d’écriture, celui, par exemple, de Marie-Hélène Roques que j’appréciais pour sa créativité, sa poésie, son imaginaire et son art de mêler les mots. Elle savait comme nulle autre comment faire tomber les inhibitions et les barrières qui vous empêchent. Marie-Hélène nous donnait confiance.
Je suis reconnaissante à Martine, Marie-Hélène et à mes autres amies s du groupe APA de Toulouse de m’avoir aidée à pousser cette porte de vastes possibles que je suis bien loin d’épuiser.
Les années ont passé, nombreuses, je suis heureuse de constater combien l’APA avance ses pions, devient de plus en plus visible dans notre société, apportant à chacun une possible ouverture sur les richesses cachées de vies.