Siri ou cactus ?
Catherine Bierling
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« On ne peut se faire une opinion sans s’informer et apprendre », dit Pierre dans son dernier billet. Moi-même profondément réticente vis-à-vis de l’IA, j’ai désiré approfondir mes connaissances et je me suis inscrite pour le semestre d’hiver à un séminaire sur l’Intelligence Artificielle proposé aux « Seniors » par une professeur de philosophie à l’université des sciences de l’éducation où j’ai moi-même longtemps enseigné. Elle présente ce thème en relation avec d’autres questionnements philosophiques, ce qui le rend très intéressant et incite à développer nombre de réflexions et de discussions entre les participants assez nombreux.
Quelques réactions spontanées de ma part après la première séance :
– Mais j’aimerais mieux un chien, un perroquet, un cactus qui m’accueille à la maison plutôt que Siri qui me demanderait : « bonsoir, comment s’est passée ta journée ? »
– Je suis profondément pour l’imperfection humaine. « L’imperfection est la cime » (Yves Bonnefoy).
– J’ai fait un métier de passeur où ce qui m’intéressait le plus était justement ce qui « se passait » dans les interactions humaines. De nouveau, je ne visais pas la perfection, mais l’intensité des rapports humains.
– Je me considère comme poète et écrivaine de textes personnels. Cela m’a navrée d’entendre que des gens ayant le choix entre un poème généré par l’IA et un poème de Rilke aient préféré l’IA. Parce que ça demande tellement moins d’efforts ? Rilke, même en le relisant dix fois, je ne suis pas sûre d’obtenir à chaque fois le même résultat. Précieux miroir aux mille facettes…
– Tous les métiers basés sur les rapports humains vont y perdre. Y perdent déjà. Médecine, enseignement, etc. IA comme accessoire, oui, mais pas comme seul pouvoir.
– Histoires d’adolescents qui ont recherché un réconfort auprès de Chat GPT, et aussi des conseils et réflexions sur comment se suicider et qui ont obtenu des réponses les aidant à passer à l’acte. Pas de conseils genre : mais va voir ta mère, ton copain ou un psy ! Non, l’immense orgueil – qui n’en est pas un, évidemment – de la machine qui sait mieux que l’humain ce qu’il faut faire.
– Je n’ai pas envie d’un monde où je n’aurais plus affaire qu’à des machines, fussent-elles extrêmement performantes. Je préfère qu’on accorde une personne légale, civile à un fleuve qu’à un robot. Je me demande si j’ai encore ma place dans ce monde.
– Comparer l’invention de l’imprimerie et de l’IA, est-ce que cela a un sens ? Dur à dire, nous n’étions pas présents à l’époque…
Bref, pour le moment, je ne suis pas encore tout à fait réconciliée avec l’IA, mais j’ai encore tout un semestre pour apprendre de nouvelles choses et affiner mes réflexions…