Chroniq’hebdo | De l’écriture et la vie, de Rimbaud
Pierre Kobel
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Quand je reprends à la fin de mes chroniques la phrase confiée par Élisabeth, ce n’est pas seulement pour l’humour ou la coquetterie. À écrire, je me demande toujours le pourquoi de la chose avant même son comment. Télérama vient de publier un très intéressant hors-série, « Des vies d’écriture », qui éclaire un peu une question qui peut toucher nombre d’apaïstes : écrit-on pour vivre ou vit-on pour écrire ? J’y trouve une part de réponse dans les propos que tenait Paul Auster dans Une vie dans les mots :
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« Je me demande parfois : “Pourquoi est-ce que je fais cela ? Quelle est la finalité d’écrire des livres, de passer ainsi ma vie ?” La seule justification que j’ai réussi à trouver, la seule chose qui semble avoir un sens, est que, pour écrire, il vous faut donner tout ce que vous avez. C’est un effort total et vous devez vous exposer totalement, et vous devez donner et donner et donner. Et vous devez fournir un effort maximal tous les jours. Je crois qu’il y a très peu d’emplois dans le monde qui exigent autant de vous. Dans la plupart des autres professions, vous pouvez vous laisser porter. Vous pouvez vous reposer sur vos habitudes, vous pouvez être paresseux, il peut y avoir des jours où vous n’avez pas besoin de tout donner, que vous soyez avocat, médecin, éboueur ou plombier. Alors quand je quitte mon bureau à la fin d’une journée de travail, même si je n’ai rien accompli, même si j’ai rayé toutes les phrases que j’ai écrites ce jour-là, je peux au moins partir et me dire que “j’ai donné tout ce que j’avais. Je suis épuisé et j’ai fait de mon mieux”. Vivre aussi intensément vous donne le sentiment d’être humain d’une manière que ne procurent pas la plupart des autres métiers. »
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Oui, écrire c’est vivre intensément, c’est vivre tout court. Qu’on soit Carrère, Auster, Ernaux, Plath, Modiano, etc., ou un modeste écrivant(e) lambda qui n’attend de cela que de tenir, tenir coûte que coûte.
Je n’ai jamais cessé de me demander, depuis que je suis en âge de le faire, pourquoi j’étais là et à quoi j’étais utile, pour moi-même et pour les autres. Je n’ai toujours pas la réponse, je ne l’aurai sans doute jamais.
Travaillant la semaine passée à la numérisation d’une partie de mon journal personnel, j’y retrouvais une allusion à des propos d’une amie proche qui me reprochait de ne pas savoir vivre sans médiation, en l’occurrence ce même journal que je tiens depuis plus de 50 ans. Elle était de ceux qui ne comprennent pas que cette écriture n’est pas une fuite ni une protection. Si médiation, il y a, c’est pour vivre, c’est pour aller à autrui.
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Un qui s’est trouvé, même si je ne sais pas s’il en a eu conscience, c’est Rimbaud. Je lis un hors-série du Monde qui lui est consacré. J’espère que ce numéro va me permettre de mieux le connaître, car, je l’avoue, Rimbaud m’est très mal connu.
« Mais pourquoi je vous raconte tout ça ? » (ELC)