Souvenirs de voyage en Guyane — Partie 1
Kata
Après, les préparatifs, un voyage aller, un séjour, un voyage retour, le temps des souvenirs est arrivé.
Voyage aller avec un fils et deux grands petits enfants, une fille et un garçon. Ça fait drôle de dire « petits enfants » quand ils sont plus grands de taille que moi, que l’une a 25 ans et l’autre 18 ans ! Aéroport d’Orly, passages police et douane sans problème, neuf heures de vol entrecoupées par un plateau repas, puis un plateau goûter quelques heures après. Aéroport Félix Eboué (aéroport de Cayenne) passage police aussi sans problème. On ne demande même pas la preuve de mon vaccin antifièvre jaune ! Moi qui ai galéré pour en avoir une ! Après les frais de la température grenobloise, puis parisienne, puis l’ambiance fraîche dans l’avion, nous voilà saisis par les 30° et plus de chaleur de la saison sèche guyanaise et les embrassades de la famille venue nous chercher.
Nous sommes en Guyane, patrie de Christiane Taubira, femme politique et femme de lettres. Je retrouve une de ses phrases emblématiques de « Paroles de Liberté » : « L’identité crispée, celle qui pousse au rejet de l’autre, voire au délit raciste, antisémite ou xénophobe, est un refuge réconfortant pour désorientés. »
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Dans nos familles présentes et à venir (car nous sommes venus pour un mariage), tout le monde est sur un pied d’égalité, personne n’est désorienté. À peine un jour pour s’acclimater et nous sommes déjà en route pour la mairie de Macouria, banlieue de Cayenne. Le maire en personne marie Axel et Kelly. Après un gentil discours, l’échange de consentement, puis des alliances, la lecture des articles du Code civil concernant les devoirs et droits respectifs des époux, rien que de très banal, les applaudissements des spectateurs éclatent. Les jeunes mariés sortent en premier et la foule des invités (au moins une cinquantaine de personnes…) les suit et se dirige vers le lieu des agapes et de la fête. Repas somptueux, je n’ai pas voulu goûter au ragout de caïman. Il paraît que c’est un plat quasi traditionnel, l’animal cuisiné pour le mariage faisait 4 mètres, nous a-t-on affirmé, mais non, cela ne m’a pas tentée. Suivant la tradition, les nouveaux mariés ouvrent le bal.
Mariage sympa passé et bien passé. J’attends avec impatience la suite des festivités/expéditions. D’abord, les marais de Kaw.
Les marais de Kaw sont inscrits en site Ramsar (convention portant sur la désignation de zones humides d’importance internationale) depuis 1992
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Je me souviens de la lutte en 2006 contre une multinationale canadienne, Cambior-Iamgold, qui avait demandé l’autorisation d’exploiter des mines à ciel ouvert pour rechercher l’or dans le marais. Il paraît que la terre de Guyane en regorge et c’est vrai, vu le nombre d’orpailleurs clandestins qui œuvrent dans la forêt, surtout du côté du Brésil. Les autorités patronales locales voulaient développer l’économie, 340 emplois directs et 560 induits. Mon fils vivait déjà en Guyane et je m’intéressais à cette éventuelle destruction d’une Réserve naturelle nationale reconnue par l’État français depuis 1998. Une pétition s’est mise à circuler dans le monde entier pour défendre l’intégrité du marais, les animaux rares qui y habitent, une dizaine de sortes de caïmans, dont des caïmans noirs introuvables ailleurs, des oiseaux multiples et variés, des arbres et de la végétation à foison, etc. Je l’ai signée et fait signer, suivant l’exemple de milliers de scientifiques versés dans les dégâts causés par la recherche minière et son exploitation, d’écolos de toute nature (c’est le cas de le dire) et de simples pékins comme moi, qui ne supportent pas les destructions dans l’objectif de réaliser des super profits. Finalement, en 2008, le président de la République, Nicolas Sarkosy lui-même, « a décidé de ne pas donner une suite favorable au projet d’exploitation d’une mine d’or à ciel ouvert ». Le site, les animaux et la flore ont été sauvés.
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Départ très tôt le matin pour faire 80 km. Nous sommes 9 en deux voitures. Il faut prévoir 2,5 heures de trajet tellement les routes sont mauvaises, pleines de trous, on roule à 5 à l’heure sur les 20 derniers km en essayant de les éviter. Enfin on arrive, et même entiers, à l’embarcadère. Une petite barge est prête à accueillir les quelques passagers inscrits pour la sortie en plus de nous. Des bancs à bâbord et à tribord nous attendent, prière d’enlever les chaussures, mettre les sacs dans les coffres et vogue non pas la galère, mais « le Morpho ». C’est parti. Fanny, ancienne métro (métropolitaine), dirige le bateau et la manœuvre. Elle nous explique que « morpho » vient de « morphologie », car le bateau peut se transformer suivant l’usage qu’on veut en faire : moyen de locomotion, hôtel pour y passer la nuit et voir les caïmans, etc. Un charmant guide, Olivier, mi-amérindien mi-surinamais, fort drôle, plein d’humour et de jeux de mots nous explique, lui, les marais de Kaw d’après une carte à photos affichée dans le bateau : les marais de Kaw sont encadrés d’une part par l’océan Atlantique au Nord-Est et par deux fleuves :
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le Mahury au Nord-Ouest se jetant dans l’océan
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l’Approuague à l’Est.
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Nous voguons sur une eau couleur marron, couleur normale vu la constitution du fond. Nous sommes entourés d’arbres et d’herbes qui poussent dans l’eau. C’est impressionnant, du vert, du vert et encore du vert à perte de vue. Impossible de faire ne serait-ce que quelques pas dessus, nous marcherions sur l’eau, ce qui n’est pas dans nos gènes et nous coulerions. Nous nous arrêtons pour que les amateurs testent leur capacité à nager dans cette eau trouble, à sauter depuis le toit du Morpho. Des cris, des rires, je me contente d’admirer et de participer, de loin au sec, à la joie générale.
Nous repartons. Île à l’horizon. Nous nous arrêtons dans une petite crique, nous pouvons débarquer sur un sentier étroit qui nous mène directement à Kaw, hameau de 30 habitants toujours en activité. Nous sommes attendus au restaurant, qui tourne plutôt bien grâce aux visiteurs-voyageurs dans notre genre. Nous passons devant une stèle dressée en mémoire des deux habitants morts pour la France, l’un en 1916, l’autre en 1918. Kaw est bien en France, malgré son éloignement et sa petitesse.
Bon repas. Je refuse à nouveau un morceau de caïman préférant du poulet local. Une fois bien rassasiés, nous repartons vers le « Morpho », ayant quand même du mal à mettre un pied devant l’autre, non pas à cause de ce que nous aurions bu, mais à cause du soleil ardent guyanais, encore plus ardent en saison sèche, qui aurait comme une tendance à nous assommer.
Trajet de retour, les participants à cette excursion ont eu le temps de faire connaissance, les discussions animées vont bon train sur tout et son contraire, Fanny et Olivier donnent aussi leur avis. C’est une ambiance bon enfant. Nous arrivons au débarcadère, tristes d’être déjà arrivés, heureux néanmoins de ce que nous avons vu et vécu. Merci. Au revoir. Nous regagnons nos voitures pour prendre les trous de la route en sens inverse.
Adieu les marais de Kaw. Je suis vraiment contente d’avoir signé pour votre conservation. Je vous avais vus déjà en 2008, vous n’avez heureusement pas changé.
Demain une autre aventure se prépare… dans un carbet.
À suivre.
PS pour voir des magnifiques photos et des explications sur le marais, un site parmi d’autres :
https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/2024-01/010057808.pdf