Techniradio
Catherine Bierling
Il y a quelques semaines, ma vieille radio de chevet a rendu l’âme. Un cas d’urgence extrême, ma radio de chevet, c’est ma sucette, mon doudou qui me permet parfois de me rendormir ou du moins de meubler mes heures insomniaques et nocturnes d’autre chose que de pensées délétères.
Profitant donc d’une courte ouverture des magasins, je me rends dans l’un de ceux-ci pour acquérir une remplaçante, une nounou de nuit qui me bercera de sa voix rassurante.
La vendeuse me propose un petit appareil qui utilise encore les modulations de fréquence, mais fonctionne aussi par Internet et par DAB, qui signifie Radio Diffusion Numérique.
Comme je n’ai pas envie de m’éterniser dans la boutique, j’acquiesce, je paie et emporte ma nouvelle future compagne.
Premier défi : à l’intérieur du carton se trouve un mode d’emploi qui frôle les 80 pages.
Naïve, je m’étais imaginé qu’il me suffirait de brancher la prise, d’appuyer sur un bouton pour entendre des sons et des voix, qu’ils soient clairs ou brouillés. Quelle erreur !
Je n’entends que le silence et le petit rectangle qui finit par s’allumer me pose des questions, des devinettes que j’essaie résoudre en lisant attentivement le mode d’emploi. Mais rien ne bouge, ma radio me boude et garde un silence méprisant face à mon ignorance crasse.
Je retourne au magasin qui me l’a vendue pour expliquer mon problème. Sur le pas de la porte, l’employée me dit que les magasins d’audio-vidéo sont de nouveau fermés au public, elle ne peut pas me laisser entrer. Ils n’ont pas le droit de vendre, mais ils ont le droit de réparer et elle propose donc de m’envoyer un technicien à domicile pour installer ma radio.
Celui-ci rate le premier rendez-vous, j’en reprends un second et après trois semaines passées à regarder ma radio sans pouvoir l’entendre, le technicien apparaît enfin.
On voit tout de suite qu’il me considère comme la dernière des nulles, incapable de mettre en route une radio.
En bougonnant, il fait les premiers ajustements. J’avais bien compris qu’il fallait lui fournir le numéro de notre routeur, mais j’étais incapable de trouver comment le faire.
Il me déconseille d’utiliser les ondes FM, c’est un mauvais son, et de toute façon ça va disparaître bientôt. (Ah bon ? Mais c’est triste, ça !)
Il me vante son système DAB pour les stations locales et l’Internet pour les radios du monde entier. Il est fier de me dire que cette petite radio mettra à ma disposition Radio-Zanzibar ou Radio-Azerbaïdjan à n’importe quelle heure du jour et de la nuit.
Je tente d’expliquer timidement que tout ce que je voudrais, c’est avoir France Culture, France Musique et France Inter à portée de main la nuit pour me tenir compagnie, mais je sens le gouffre de l’incompréhension grandir entre nous.
Tout ce qu’il m’explique à grande vitesse, je peine à le retenir, mais je prends des notes (quel bouton, dans quel sens, pour quoi faire…) surtout qu’il rajoute moult détails dans lesquels je me noie, et que, bien sûr, notre dialogue est entravé par les masques que nous portons.
Il consulte fréquemment sa montre, il doit être en retard et attendu quelque part. Je remarque un genre d’appareil auditif au-dessus de son oreille, relié à une sorte d’électrode collée sur l’arrière de son crâne. Je me demande s’il est malentendant ou si son cerveau est directement connecté sur Internet. Évidemment je ne pose pas la question, je suis trop bien élevée et honteuse de mon manque de modernité.
Finalement, il m’a enregistré mes trois stations françaises, avec en prime la BBC et une station locale allemande et m’a même expliqué le « slip timé » afin que, la nuit, ma radio se mette en stand-by au bout de 30 ou 60 minutes. Je le remercie tandis qu’il prend hâtivement congé. Zut, j’ai oublié de demander comment ça s’éteint vraiment et je pense qu’elle reste en permanence en stand-by, à moins que je ne débranche la prise…
Elle s’appelle « Techniradio ».
Mon premier transistor était un cadeau de mon grand frère. C’était l’hiver 1967/1968 et je me souviens de ma joie de pouvoir assister en direct aux exploits de Jean-Claude Killy et de son concurrent Karl Schranz aux Jeux Olympiques de Grenoble et surtout de pouvoir écouter toute seule dans ma chambre Salut les Copains et le Hit Parade du samedi soir, la radio familiale interdisant ce genre d’écoute.
Il était petit, bleu et noir, avec une antenne télescopique, et pour l’écouter, il suffisait de presser un bouton et d’actionner la roulette pour trouver la station désirée. À l’époque, j’étais presque toujours branchée sur Europe 1, à cause de Salut les Copains.
Que la vie était simple en ces temps reculés…
Internet
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