Nos petites filles sont revenues...
Martine B.
Ninon et Lalie habitent dans notre quartier et avant la « crise sanitaire », comme on dit, on se voyait toutes les semaines. Pendant le premier confinement, on ne s’est pas vus pendant trois mois et depuis septembre on ne se voit que par WhatsApp ou en se croisant dehors, masqués et frigorifiés dans les parcs et jardins du quartier. Cela fait huit mois qu’elles ne sont pas venues chez nous.
Enfin, par bonheur, il y a quelques jours leurs parents nous ont demandé de les garder.
Elles sont arrivées sourire aux lèvres, sac au dos et trottinette à la main.
On leur avait tout expliqué : qu’elles étaient autorisées à venir parce que nous étions vaccinés, que testées, elles n’avaient pas le virus, qu’il ne fallait pas s’embrasser. Alors elles sont venues blottir leurs têtes sur mes genoux, je les ai caressées avec délice.
La pandémie n’a pas, bien heureusement, altéré leur joie de vivre.
Elles n’ont pas oublié la place de leurs livres, de leurs jouets, des boites à boutons et à bijoux, le tiroir des bonbons et le rituel du cachou Lajaunie délivré par leur Papy.
Elles savent qu’elles peuvent sauter sur notre lit, demander des vêtements pour se déguiser en Mamy ou en « Mapa », réclamer les vidéos faites quand elles étaient « petites » et elles ne s’en privent pas, toutes réjouies de se retrouver un terrain conquis.
Au repas les discussions vont bon train, elles nous demandent si nous savons ce qu’est le franglais, si on sait comment on appelle en anglais le friand que je mets dans leur assiette, sans réponse de notre part elles sont fières de pouvoir nous dire « un peggy in a blanket » ! Ça nous fait rire…
Tout m’émerveille chez elles : l’affection qu’elles nous témoignent, leur aisance à s’exprimer, leur intelligence, leur bilinguisme, leur énergie incroyable sur trottinettes, vélos ou rollers, leurs rires, leur drôlerie…
Elles aiment participer et proposent de nous aider à éplucher les pommes de terre ou réparer la chambre à air de mon vélo.
Ninon nous fait des tours de magie et des démonstrations de danse flamenco, Lalie se sert d’un plot en guise de porte-voix pour lancer des appels à la population : « Attention, attention ! alerte au Coronavirus ! restez chez vous, ce virus est très dangereux, portez bien votre masque ! ».
L’après-midi on va au parc de jeux avec détour obligé au glacier Martinez de la place de la mairie puis on les raccompagne chez elles en se promettant de se revoir bientôt.
La journée a passé trop vite, mais c’est incroyable comme on se sent joyeux, revigorés, comme libérés de cette chape de plomb qui pèse sur nous depuis l’apparition de cette horrible pandémie.
