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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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12 juin 2022

André Leenhardt, né en 1932

 André Leenhardt

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Je suis probablement entré à l’école maternelle un peu avant trois ans (en pleurant beaucoup, prémonition ?), puisque j’y ai fait trois classes. C’est dans la dernière que je me rappelle une première manifestation de ma timidité, qui m’a souvent joué de mauvais tours. Surpris par l’approche d’une colique monstre, je n’ai pas osé (pourquoi ???) demander à aller aux cabinets. Je sens encore monter dans mes reins ce flot tiède et nauséabond ! Ma voisine m’a dénoncé et j’ai été ramené à la maison, pas même nettoyé, marchant dans la rue avec ces coulées brunes sur les jambes. J’ai gardé brûlante la honte qu’on m’ait raccompagné chez moi à travers la ville sans me laver. Colère de la femme de service ou de la maîtresse qui voulait ainsi me punir ?...

Dès la première année à Alger, l’école fut mon cauchemar. Dès six ans, il m’est arrivé de faire semblant de partir pour l’école et de me cacher dans la cave toute la matinée, jusqu’à ce que j’entende mes frères et sœurs revenir. Quelques années plus tard, c’était une semaine d’école buissonnière sur le réseau des CFA et CFRA (bus et trams) pour lequel j’avais un abonnement (cela permet de dater la chose après le débarquement allié du 8 novembre 42 ; le lycée Gautier proche de chez nous ayant été réquisitionné pour loger les troupes alliées, nous allions en tram en cours à mi-temps, sous la Casbah).

 Pourtant, à part l’école de la rue Daguerre, où le directeur surveillait à l’entrée si nous avions bien notre blouse grise et les souliers propres, et monsieur Zamitaxi à l’école de la rue Volta qui nous tapait à coups de règle sur la paume de la main, j’ai plutôt souvenir d’enseignants bienveillants, d’autant que dès la huitième (CM1, avec le bon monsieur Urbain) j’allais au lycée, ce qui était déjà une sélection par rapport à ceux qui suivaient l’école primaire.

 Alors pourquoi cette horreur de l’école ? Je ne sais pas répondre. Si je fais l’hypothèse d’un traumatisme sorti de ma mémoire, l’épisode de l’école maternelle pourrait être important… Ces phrases de Maman aussi retrouvées dans une lettre écrite moins d’un mois après notre arrivée à Alger : Olivier est toujours très content de son école. Par contre l’école maternelle ne vaut pas celle de Saint-Amand ; c’est plus scolaire et moins jardin d’enfants, peut-être parce qu’ils sont 62 enfants de 4 à 6 ans dans cette classe ! Quand je vois les écoles actuelles, où depuis l’an 2000 je suis allé 320 fois stimuler les classes de tous âges avec des poèmes, je me dis qu’il manquait peut-être peu de choses pour m’y intéresser, comme je l’ai été en cinquième ou quatrième pour les sciences naturelles (un bon souvenir est d’avoir eu à faire un « exposé »), ou en tout temps pour la lecture et la récitation. Ce qui est sûr c’est que j’étais très paresseux : si je vous photocopiais mon bulletin scolaire de 5e, vous y liriez entre autres : en français-latin : « Paresseux fieffé, enfant bien coupable ». En mathématiques : « Nul ». En allemand : « Toujours aussi paresseux »… Et ce bulletin, comparé à celui que Daniel Pennac a publié en quatrième de couverture de son « Chagrin d’école », le surclasse incontestablement dans la compétition au titre du plus cancre.

 J’avais un fort amour des livres. Je lisais beaucoup, souvent allongé sur le tapis. J’aimais aussi feuilleter les livres. Je connaissais bien les titres des livres des diverses bibliothèques de la maison, en particulier celle du bureau de Papa, qui en était tapissé. Un jour (j’avais 10 ou 11 ans), j’entre dans le bureau, Papa est en conversation avec un monsieur et me le présente : monsieur Martial Reymond. Je dis avec un air admiratif : « C’est lui qui a écrit le livre sur la Kabylie ? » J’ai senti la fierté de Papa, pour avoir un fils si cultivé et sortant ses connaissances si bien à propos !

 Et retour à Alger pour un trimestre de troisième avant de rentrer en France, et deuxième trimestre à Neuilly, et troisième à Saint-Maur, ce morcellement me servant d’excuse pour le redoublement de ma troisième. De là aussi ma bonne connaissance des « Femmes savantes », œuvre étudiée dans chacun des quatre lieux de mes troisièmes.

 Notre lycée Gautier ayant été réquisitionné, nous devions aller, à mi-temps, au lycée Bugeaud, en bordure de la Casbah. En 6e, le prof de français M. Filippi m’a familiarisé avec les conjugaisons en m’en faisant copier à longueur de punitions.

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Saint-Maur, où nous avons emménagé à Pâques 1947. C’est alors que je suis entré au lycée Marcelin Berthelot, première expérience pour moi d’un établissement mixte. Les filles m’attiraient et m’intimidaient beaucoup. Je suis resté en correspondance avec l’une d’elles jusqu’à ce jour.

 Mais toujours autant de difficultés scolaires. L’été d’une de mes deux troisièmes, maman m’a donné régulièrement des leçons de maths ; ça durait environ ¼ d’heure puis je me mettais à pleurer, et on s’arrêtait… Je n’en ai retenu que les identités remarquables : a+b au carré… etc. Je ne suis pas sûr d’avoir jamais compris à quoi ça servait. De même je ne savais jamais comment « démontrer », en géométrie, des affirmations qui me paraissaient évidentes.

 À la rentrée 48, donc à la fin de ma deuxième troisième (pendant laquelle au début de chaque heure de cours je traçais 55 petits traits et les rayais chaque minute, en m’étonnant parfois d’en avoir oublié deux ou trois parce que j’avais par hasard écouté quelque chose du cours), le proviseur a convoqué Maman et lui a dit : « Mettez-le en apprentissage, cet enfant ne fera jamais rien au lycée ». « Il serait bien trop content ! » a-t-elle répondu, preuve qu’elle me connaissait bien. Déjà vers 9 ans sur le chemin du lycée je m’arrêtais souvent pour voir travailler un vieux cordonnier espagnol, et il avait un jour demandé à voir mes parents pour leur proposer de me prendre comme apprenti !

 Elle a beaucoup plaidé et le proviseur a consenti, après un petit examen que j’ai réussi, à m’accepter « à l’essai » pour six semaines. Et là miracle, le prof de lettres a été André Chastel, historien de l’art connu, qui nous a fait cours d’une manière inhabituelle, de qui je me suis senti compris et reconnu, et bien qu’il ne soit resté que trois mois avant de partir pour les États-Unis, il m’a donné l’élan qui m’a permis d’aller jusqu’aux deux bacs pendant les trois années suivantes, sans autre accroc qu’un oral de repêchage en septembre 51 (dû à un zéro en histoire-géo [question : la guerre de 1867… Vous pourriez répondre ?] pas rattrapé par la trop bonne note que m’avait mise par faveur indue un prof de philo de mon lycée que je n’aurais pas dû avoir à l’oral…)

 Recherchant sur Internet ce qui concernait Chastel, j’ai vu que ce n’est que très épisodiquement qu’il avait enseigné en lycée. Au fond il n’était là qu’en attendant de partir pour les États-Unis, sa manière décontractée de faire la classe en nous lisant des pièces de théâtre (je me rappelle Ondine, de Giraudoux) venait peut-être simplement de ce que cela ne l’intéressait guère ! Qu’importe, puisqu’il m’a débloqué…

Internet

 

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