Rebonds bis

Bernard M.

Plusieurs des récents billets sur l’école présentaient et commentaient des photos de classe, certaines d’ailleurs avec une précision de souvenirs époustouflante, parvenant à mettre des noms et même des destins sur une bonne partie de têtes représentées, comme Francine sur la photo de sa classe rurale normande. Peut-être des effets de la classe unique avec un compagnonnage sur plusieurs années d’enfants qui par ailleurs devaient se voir à d’autres occasions dans le village. Dans ma grosse école parisienne ce n’était pas le cas avec des classes par niveaux et même plusieurs, trois il me semble pour chacun des niveaux. Bref je n’ai guère de souvenirs de mes condisciples, sinon de l’un d’entre eux qui était mon grand copain de l’époque.

Cela dit j’ai été farfouiller dans mes cartons, dans la boîte d’archives marquée Souvenirs d’école, à la recherche de photos. Grande déception. Il n’y en a aucune. Du primaire du moins, car j’ai toute la série des photos du lycée de la sixième à la terminale. Mais rien du primaire. Comme c’est étrange. N’y en avait-il pas eu ? Ou bien des photos seulement individuelles ? De celle-ci j’en ai retrouvé une, sans pouvoir déterminer la classe. Le petit garçon studieux à la pose manifestement commandée, coiffure sage, porte-plume suspendu, prêt à écrire. Et avec le nœud pap dont nous affublait le photographe le temps du cliché afin que nous ayons l’air très habillés pour l’occasion. Mais peut-être aussi qu’il reste d’autres photos à Paris, je regarderai la prochaine fois que j’irai chez mon père.

J’ai retrouvé un petit trésor tout de même. Un cahier de classe. Sur la couverture, le Fluctuat Nec Mergitur de la ville bien sûr, fournitures scolaires gratuites de la Ville de Paris. Et, au dos, des conseils d’hygiène au foyer, la propreté, le soleil, le grand air. Ce n’était pas encore les tables de multiplication, mais les directives de la direction départementale de la santé et du comité national contre la tuberculose, signe qu’on n’était pas encore sorti de ces fléaux.

 Par quel miracle se trouve-t-il ici et pourquoi celui-ci plutôt qu’un autre ? Mystère. Il va du 7 novembre au 22 décembre 1956. Je suis donc en CE1, la 10e à l’époque. Il y a les leçons d’écriture, avec les lettres reproduites au plus près du modèle que le maître a tracé lui-même sur chaque cahier, en rouge, avec pleins et déliés ; il y a les dictées et leur correction recopiées à la suite ; il y a les conjugaisons, les compositions de phrases et les analyses grammaticales, l’arithmétique et les problèmes. On a beau être à Paris, les thèmes des dictées évoquent les vendanges, les semailles, la fête foraine… Il y a la morale aussi, chaque jour s’ouvre sur la phrase écrite au tableau le matin et commentée par le maître et que l’on recopiait ensuite sur le cahier. Manifestement on était dans une thématique sur la famille à ce moment de l’année. Tout ça n’est pas franchement féministe ni d’une grande modernité ! Quoique le dernier conseil soit, lui, bien dans l’air de notre temps de lutte écologique contre le gaspillage.

Je m’amuse à les recopier ici, comme une sorte de poème :

C’est maman qui me soigne et me protège.
Le papa est le soutien de la famille.
Je suis reconnaissant envers mes parents.
Quand mes parents seront âgés je les soignerai comme ils me soignent à présent.
Je dois aimer mes parents et leur obéir avec joie.
Je dois respecter mes parents.
Le frère ainé doit donner le bon exemple à ses frères et sœurs plus jeunes.
À nos grands-parents nous devons plus que du respect, mais de la vénération.
Je mangerai ce qu’il y a.
Je mangerai toujours proprement.
L’enfant économe épargne de la peine à ses parents.
L’enfant économe soigne ses vêtements et ses outils.

 Avant de jeter quelque chose, assurons-nous que cela ne peut vraiment servir à rien.