Chroniq’hebdo | De l’écriture, de la BD et des fêtes de Noël
Pierre Kobel
Peu écrire. Tenter d’aller à l’essentiel. Difficile de trouver les mots pour avancer mes chantiers, mais j’ai du mal à écrire autrement que de façon très banale. J’admire celles et ceux qui se donnent une discipline sans faille pour écrire. Même si j’y parviens au quotidien, je ne peux m’empêcher de me disperser, de me laisser happer par les curiosités diverses qui me déconcentrent et me distraient. Trop d’envies, trop de désirs.
J’ai lu deux excellentes BD. D’abord l’intégrale de Conquistador de Jean Dufaux et Philippe Xavier. Une histoire de bruit et de fureur dans le temps et l’espace des expéditions espagnoles en Amérique centrale à la poursuite de l’or des indiens. Un dessin fort traversé de fantastique. Ensuite Hoka hey ! de Neyef. Un western qui met en perspective la recherche des origines et par là même de soi, d’un jeune lakota privé d’abord de sa culture puis ramené à son histoire grâce à la rencontre d’un indien et ses compagnons qui deviendront sa nouvelle famille.
La BD ouvre à mon imaginaire des portes vers des univers qui me sont inaccessibles autrement. Dessins de la BD, photos que je contemple et celles que je fais. Photos des albums que j’essaie de constituer pour ajouter à mes archives personnelles ou offrir en cadeau à autrui. Parfois je ne sais plus tout à fait où est la frontière entre le réel de la mémoire et la fiction de mon imaginaire. Je pense à Hugo Pratt qui lorsqu’on lui demandait laquelle de ses vies il voulait raconter, répondait : « Je connais treize façons de raconter ma vie. » Et vous, et moi, combien en avons-nous ? Quelle part de notre existence avons-nous réinventée avec nos mots, nos souvenirs détournés, mêlés, tronqués ?
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Période des fêtes. Je me mets en retrait des mouvements qu’elle provoque. Je voudrais m’associer à la joie du partage, des cadeaux, au plaisir des enfants. Je n’y peux rien, je les respecte, je les comprends, mais je ne peux que faire un pas de côté pour me protéger des illusions que j’y perçois. Trois week-ends de suite à être en famille pour ces fêtes. Moments heureux et questionnements inquiets dans le même temps.
Et les mots du poète pour me rassurer.
Fais une clef, même petite,
entre dans la maison.
Consens à la douceur, aie pitié
de la matière des songes et des oiseaux.
Invoque le feu, la clarté, la musique
des flancs.
Ne dis pas pierre, dis fenêtre.
Ne sois pas comme l’ombre.
Dis homme, enfant, étoile.
Répète les syllabes
où la lumière est heureuse et s’attarde.
Répète encore : homme, femme, enfant.
Là où plus jeune est la beauté.
Eugenio de Andrade in Blanc sur blanc, © Poésie/Gallimard, 2004 — Traduction de Michel Chandeigne
Internet
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La bédéthèque | Conquistador
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Babelio | Hoka Hey !
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Wikipédia | Eugenio de Andrade