Savoir vieillir
Phrasie
À l’Université Pour Tous je me suis inscrite à une série de conférences sur le thème du bien vieillir et je pensais y puiser des ressources nouvelles pour affronter les années à venir ; hélas, comme on va le voir tout ne s’est pas passé comme je l’avais imaginé.
L’essentiel du travail pour la naturopathe chargée du cours a été de nous lister ce qui vieillissait en nous et donc changeait au fil du temps : la peau et les rides, les cheveux, le goût, l’odorat, la mémoire, la perte osseuse, la taille, les muscles, etc., etc. Tout cela m’a paru insipide et déjà vu cent fois, jusqu’elle revienne en détail sur le chapitre concernant le goût. Sur le moment, que le goût (et l’odorat qui lui est intimement lié) change, cela ne m’a pas paru me concerner. Je n’ai nullement l’impression d’avoir moins de goût ou d’odorat qu’avant… Et pourtant, la naturopathe m’a appris qu’à 30 ans, un humain a 245 papilles sur chaque coussinet de la langue et qu’à 70 ans, il ne lui en reste plus que 88 !
C’est là que se place le coup du champignon. En effet, cet automne, j’ai acheté un fort beau cèpe pour préparer une omelette et je me réjouissais d’avance à l’idée de manger ce champignon des bois. Or surprise ! ni moi ni mon mari ne l’avons trouvé si bon que ça, j’ose à peine écrire aussi bon qu’autrefois. Et ce n’est pas la première fois que je trouve que les cèpes sont fades de nos jours… Il y a quelques années déjà, je m’étais fait la même réflexion. M’étant à l’époque confiée à mon frère, il m’avait dit que c’était parce que sans le savoir j’avais acheté des cèpes des pins et pas des cèpes trouvés sous les châtaigniers qui sont bien meilleurs. J’en étais restée là de mes recherches mycicoles jusqu’à ce dernier achat. Wikipédia m’a expliqué que les cèpes des pins ne sont qu’une des quatre catégories de bolets pouvant être appelés cèpes et qu’en aucun cas ils étaient plus fades que les autres !!! Ça n’a pas tourné longtemps en boucle dans ma tête avant que je comprenne que les cèpes ne sont pas en cause, c’est moi qui ai perdu des papilles !!! J’étais tellement bouleversée que j’en aurais pleuré, non pas d’avoir vieilli sans m’en apercevoir, mais de ne plus jamais pouvoir manger des champignons aussi bons qu’autrefois.....
Pour me remonter le moral, cette pernicieuse naturopathe n’a fait que m’enfoncer davantage : si à 30 ans un humain trouve le goût salé avec disons le chiffre 1, à 85/90 ans pour avoir le même goût salé, il faut monter à 11 !! Pas étonnant que les résidents en EHPAD trouvent que leur nourriture n’a aucun goût, car on ne leur met pas 11 fois plus de sel ! Et ainsi de suite pour trouver l’amer, le coefficient est de 7, l’acide c’est 5 et le sucré… ce n’est que deux, raison pour laquelle nos anciens se tournent beaucoup plus volontiers vers le sucré : c’est le seul goût qui n’a pas trop disparu. C’est là que se place le coup de la Chantilly ! En effet, j’ai de tout temps été plus attirée par les aliments salés que sucrés et jamais au grand jamais je n’aurais mangé une glace surmontée de crème Chantilly et autres décorations colorées. Jamais de « douceurs » en fin de repas, jamais de bonbons ni de gâteaux, les Paris-Brest et autres sophistications que ma mère achetait me laissaient de marbre. Or surprise ! depuis quelques années déjà, je me surprends à aimer la Chantilly sur mes fraises, à regarder avec envie les gâteaux chez le pâtissier et à adorer manger un carré de chocolat après le repas !
Et dire que j’étais allée confiante à cette conférence, sans me douter un seul instant que j’allais prendre conscience de pertes supplémentaires : ça ne me suffit pas de ne plus me reconnaître dans le miroir, il faut maintenant que j’admette que j’ai perdu le goût et l’odorat !!! Bref, avant la conférence j’avais 50 ans dans ma tête, depuis je suis retombée sur terre, j’en ai 70 !!! Ainsi va la vie !