Chasseur d’Afrique
Gérard B.
Des trois fils d’un propriétaire d’une grande boulangerie de Versailles, mon grand-père, le plus jeune, rêvant probablement d’aventure africaine, s’engageait le 3 août 1911 pour 4 ans dans les Chasseurs d’Afrique. Il put joindre ainsi ses deux passions : le cheval et la musique, il fut Trompette au 4e Chass'd’af. Ce régiment, basé en Tunisie du 3 août 1912 au 1er août 1914, participa à certaines missions de maintien de l’ordre dans les territoires coloniaux, dont une expédition sévère en renfort en Algérie du 4 au 9 août 1914.
Ses armes sont bien connues : le sabre, la lance, au mieux la carabine. La tactique : la charge, sabre au clair, au son du clairon, derrière son porte-drapeau !
Bien qu’éloignés du champ de bataille sur la frontière allemande en août 1914, les régiments africains furent transférés au 10 août par bateaux d’Alger à Cette puis en train de Marseille à Chaumont. Premier engagement pour desserrer l’étreinte sur la 1re armée française d’Alsace, et dernière et seule charge sur ce front le 19 août, car des cavaliers face à des casques à pointes munis de mitrailleuses, embusqués en lisière de forêt ! Pourtant c’est bien ainsi que le journaliste Hansi rapporte par traduction d’une revue germanique l’épisode à Heyviller du retour du quart de l’effectif des escadrons du colonel Bardi de Fourtou ayant échappé aux balles et que le chef allemand surpris et admiratif laissa échapper. Regroupement des escadrons et des rescapés, puis répartition par équipe de cinq comme éclaireurs et messagers du 23 août au 28 septembre sous les ordres du Colonel de Bruyer en soutien au 44e DI du Commandant Barbot à La Chipotte, il n’était plus question de charges, les cavaliers sur leurs petits chevaux discrets, rapides ont changé de missions. Partis de Thaon-les-Vosges pour l’Artois, les escadrons combattent dans la course à la mer du 1 au 6 octobre autour d’Arras puis du 8 au 31 à Armentières. Le cavalier de Saumur, le Lieutenant Colonel Gudin de Vallerin blessé à Ypres en Belgique où se trouve le 4e Chasseur dans la brigade formée avec le 1er Chasseur d’Afrique, est remplacé par Bardi de Fourtou.
L’épopée d’Artois se termine d’abord au sein de la cavalerie du 33e Corps d’Armée commandé par le Général Pétain sous les ordres du Général Barbot de la 77° Division d’Infanterie par la prise de Carency le 9 mai 1915 et la fixation dans les tranchées jusqu’au 17 septembre et le 15 octobre l’affectation du Général Sarrail à l’Armée d’Orient.
Le régiment du lieutenant Colonel Bardi de Fourtou transporté par chemin de fer d’Anver à Marseille embarque le 7 novembre 1915 sur 4 paquebots qui font la navette jusqu’à la Macédoine au port de Salonique.
L’Armée d’Orient fut placée le sous les ordres du Général Guillaumat jusqu’à son rappel par Clemenceau le 18 juin 1918 pour la défense de Paris et son remplacement par Franchet d’Esperey.
De 1915 à 1918, les cavaliers assuraient les missions d’avant-garde et de communication auprès des différentes divisions. En septembre, Français et Serbes lancent l’offensive dont la Brigade de Cavalerie d’Afrique du Nord du Général Philippe Jouinot-Gambetta franchit les positions bulgares entre Nivak et Delebal. Le neveu de Léon Gambetta reçoit alors l’ordre de foncer sur Uskub. Les cavaliers français se lancent alors dans une charge qui culbute les fuyards bulgares jusqu’à Uskub. Le 29 septembre ce fut la charge héroïque qui décida de la victoire et entraîna la reddition de la Bulgarie. Dans ses lettres à son épouse Raymond Escholier prévoit la suite : la poursuite vers Vienne, la capitulation de l’Autriche, l’isolement de l’Allemagne et l’arrivée sur Berlin, mais le 11 Novembre l’Allemagne interrompait l’invasion par la signature de l’armistice.
Le 9 janvier 1919, le régiment est déplacé en train vers Odessa.
L’escadron le 10 août défile à Sofia pour la revue de Franchet d’Esperey puis rejoint son cantonnement en Tunisie le 12 septembre 1919 après 4 ans de service en Orient.
Le retour à la vie civile en 1920 fut difficile, les suites de dysenterie, les souvenirs des épreuves ont hanté les 30 années qu’il lui restait à vivre. Marié dans l’année, ma mère fut sa première fille née au début de l’an 1921.
(La ville d’Uskub pour les Français de 1920, c’est Skopje de nos jours).
1 – Croix de guerre 14-18, 1 citation 19 aout 1914 Heyviller
2 – Médaille commémorative , 25 Aout 1916 Lt Col Albert Bardi de Fourtou
3 – 10 12 1918 Médaille d'argent pour la bravoure en Serbie
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