Ma pitu, ma patou
Dominique Paris
Je l’ai toujours trouvée très vieille. Pas étonnant me direz-vous puisqu’il s’agit de mon arrière-grand-mère ! Elle avait 75 ans quand je suis née, mon âge actuel…
Au traditionnel « Bonjour, comment vas-tu ? » elle répondait non moins traditionnellement « Je suis mal fichue, j’ai mal partout ! »
Quand j’ai commencé à parler, un défaut de prononciation me faisait mettre le son « T » à la place de certaines consonnes, alors moi aussi je répondais « ma pitu, ma patou » au grand plaisir des adultes qui me disaient bonjour.
Encore actuellement, en famille, c’est la formule favorite pour dire, sans vraiment dire, les misères de l’âge !
C’est cette arrière-grand-mère qui m’a donné le goût des histoires de famille.
Je m’asseyais par terre, à ses pieds, la tête sur ses genoux et j’amorçais « Mémée, raconte-moi quand… » Elle ne se faisait pas prier !
J’aimais particulièrement l’écouter raconter sa vie avec Grand-père.
« Méfie-toi des hommes qui ne boivent que de la limonade ! » me disait-elle mystérieusement.
Manifestement la limonade n’avait pas suffit à Grand-père quand il était « chanteur mondain » dans les soirées organisées le samedi dans les cafés du faubourg Saint-Antoine !
J’attendais avec gourmandise le récit du jour de sa mort… » La seule chose qui me console de mourir si jeune, c’est que je sais que tu ne tarderas pas à me rejoindre ! » aurait-il dit à sa femme à la santé soi-disant fragile.
Je n’oublierai jamais son petit sourire et son air coquin quand nous comptions ensemble depuis combien d’années il l’attendait.