Chroniq’hebdo | D’un voyage au pays des archives, de l’intolérance
Pierre Kobel
Semaine apaïste et pour moi premier séjour long à Ambérieu. Mes amies travaillent derrière moi, deux d’entre elles collaborent pour mettre un listing à jour, l’autre est dans une pièce voisine, s’investissant dans la recherche et la consultation de textes à emporter pour une lecture approfondie et leur exploitation à venir dans une publication ou au cours d’une manifestation.
Je vais avec elles dans le magasin des archives. D’abord le cercle noir des volants qui permettent d’ouvrir les travées. Ensuite les longues étagères chargées de boîtes diverses, selon la taille des dépôts. Plus avant dans les alignements émergent tel carton coloré, tel coffre métallique, tel ensemble imposant qui referme la mémoire de plusieurs décennies. Ailleurs une nouvelle collection fait penser à des balles de coton venues d’une autre époque, une boîte en plastique laisse deviner une pile de tapuscrits épais.
Il y a un contraste entre la vision qu’offrent ces alignements de documents, égrenant leur code d’enregistrement et la charge d’informations, d’émotions, d’intimité, d’histoire, de culture qu’ils recèlent. Avec mes amies, nous sondons ces dépôts, nous ouvrons sur une tablette le numéro un, nous lisons ensuite quelques pages d’un original à la très belle écriture régulière.
Il sourd de cette pièce, de cette accumulation, une émotion qui résonne profondément en moi. Alors que je n’ai rien d’un mystique, j’ai posé mes mains sur certaines boîtes, comme pour mieux m’emplir de cette charge mémorielle et de ce qu’elle peut me dire aujourd’hui. J’ai aussi fait des photos des lieux afin d’alimenter la photothèque que nous constituons peu à peu.
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À mon retour, je regarde à la télévision la rediffusion du C à vous de mercredi qui recevait Bilal Hassani après qu’un de ses concerts, à Metz, ait du être annulé du fait des menaces proférées contre lui et son public par des extrémistes catholiques. Le garçon a l’habitude des insultes homophobes dont il est la victime depuis le début de sa carrière. Il a fait part sur le plateau d’une profonde émotion, particulièrement en interprétant Laissez-moi danser de Dalida. Son art n’est pas ma tasse de thé, il a l’âge d’être mon petit-fils et la première fois que je l’ai vu, je suis resté dubitatif, mon respect pour la différence étant sérieusement interpelé. Depuis, j’ai eu à plusieurs reprises, l’occasion de le voir et l’entendre s’exprimer avec toute l’intelligence et l’humanité qui sont les siennes et si je le rencontrais, je n’aurais que le souhait d’être son ami. Quant aux imbéciles qui s’en prennent à lui du fait de l’identité qu’il revendique, dois-je écrire ici l’opinion que j’ai d’eux ? Imbéciles non pas à cause de ce qu’ils pensent qui relève de leur liberté, mais parce qu’ils s’autorisent à vouloir en user contre autrui, à vouloir l’imposer par la violence, à en faire cette pensée unique qui toujours tournera à la pensée inique.
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france.tv | C à Vous : Bilal Hassani
