La grenade séchée
Gérard Barbier
Durant les journées de l'APA à Lyon "l'invitation de Christine Soudé dans son Atelier d'écriture de tenter de dérouler une période de sa vie à partir d'objet qui l'ont marquée, fut ma première expérience d'écriture "dirigée" dans en groupe. Le jeu de traverser le temps en compagnie d'un objet qui sert de guide, m'a bien plu, le résultat vous plaira-t-il? "
Avez-vous déjà laissé sécher une grenade ?
Cette boule grise, toute légère située sur le buffet de la salle à manger a toujours accompagné ma jeunesse, mes parents ont transporté les meubles dans les quatre appartements où ils ont logé dans la vie.
La grenade sèche a rejoint toujours la corbeille en raphia coloré.
Au plus loin de mes souvenirs, j’ai maintes fois demandé à mes parents la nature de cette boule respectée, soigneusement dépoussiérée. C’est ma mère qui m’en a fait le meilleur récit, avec le plus de détails.
Si ce sont mes souvenirs, c’est surtout la retranscription des siens.
Dans les années cinquante et jusqu’à mes six ans, mon père travaillait sur des chantiers de barrages hydroélectriques, en longs déplacements, parfois de plusieurs années. Donc la vie pour moi se déroulait en promenades, retour dans l’appartement à l’angle des rues Charlot et Pastourelle. Parquet ciré et patins glissants donc fracture de la clavicule, exercices de foot dans les Jardins du square du Temple entre ma mère, sa sœur et mon cousin, ma cousine.
Les longues absences de mon père furent interrompues par quelques grands séjours pour le rejoindre. En 1951, visiblement à la suite du décès de mon grand-père paternel (j’ai retrouvé cette date dans un agenda conservé après le décès de ma mère), nous avons rejoint Marseille puis embarqué sur le Sidi Brahim pour rejoindre l’Algérie au port de Bougie.
Il parait que la traversée fut épouvantable, la mer agitée par une formidable tempête. Ma mère m’a raconté le mal de cœur, les secousses dans les mauvaises cabines, celles accessoires d’un cargo.
Moi j’ai, parait-il, crié très fort « Maman on part » quand il y a eu un formidable coup de sirène… qui en fait annonçait l’arrivée dans le port de Bougie.
J’avais profondément dormi pendant cette traversée.
La suite ? Ce fut la récupération, le trajet dans la Jeep utilisée par mon père pour nous amener à son baraquement dans les gorges de Kerrata.
Ainsi je vécus trois mois d’hiver dans un désert de rochers d’une montagne aride, joué et m’être gavé de figues, dates et grenades.
Est-ce ce souvenir de fruits si sucrés qui me fait toujours apprécier ces fruits ?
La grenade sèche fait partie des objets rapportés lors de ce voyage, le panier de raphia accompagne une tasse et sa soucoupe en argile vernissée jaune.
La grenade séchée a rejoint notre petite bibliothèque des beaux livres avec les objets souvenirs des temps, livres et objets qui sont trop nombreux pour en prendre plus d’un aujourd’hui.