Crash
Bernard M.
Nous voici de retour chez nous après un séjour parisien d’une dizaine de jours qui a été malheureusement surtout occupé de contraintes matérielles et organisationnelles, ne nous laissant pas de place pour les balades, les expos, les cinés, ce qui nous frustre un peu…
Pas mal de temps consacré à des tris et à des rangements, au choix de ce que chacun voudrait emporter comme souvenir dans l’appartement de la maman de D., à l’organisation de la succession, aux préparatifs de la vente, le tout non sans tensions dans une fratrie assez conséquente, tensions qui bien sûr ajoutent à la tristesse du deuil. Beaucoup de temps aussi pour s’occuper de mon père, passer des moments avec lui, en espérant tomber sur de « bons moments », où il ne dort pas, où un échange peut intervenir ; faire des visites dans des EPHAD qui pourraient éventuellement l’accueillir au mois d’août, voire de façon permanente et commencer à préparer les dossiers ; donner un coup de main à notre fils dans l’organisation de son déménagement, coup de main consistant essentiellement à nous occuper des deux petits que d’ailleurs nous avons ramenés avec nous, présence sympathique, mais tonique et assez fatigante…
Bref il y avait de quoi faire. À quoi s’est ajoutée une petite catastrophe dont je n’ai pas fini de mesurer les conséquences. Lorsque j’ai ouvert mon ordinateur en arrivant à Paris, message lapidaire sur mon écran : « Boot device not found, install operating system, hard disk out. » Et, en effet, rien de rien de possible. Je n’ai pu qu’amener ma machine chez un réparateur qui m’a confirmé un diagnostic pessimiste, je lui ai laissé l’ordinateur et, moyennant 160 euros, il l’a remis en fonctionnement. Mais vide évidemment. Et depuis je m’échine à réinstaller les principaux programmes dont j’ai besoin, les liens internet, les comptes en ligne… C’est très long et déprimant, tout ce temps mangé pour rien. Pour les comptes par exemple qui étaient protégés par mot de passe il me faut à chaque fois redéfinir ceux-ci avec la procédure « mot de passe oublié ». Bien sûr toutes mes archives sont perdues, j’ai pu récupérer certains éléments pour ce qui concerne l’APA grâce à Elizabeth et à Pierre, merci à elle et merci à lui. Mais rien évidemment sur des documents personnels récents ou en cours. Ainsi un bon nombre de pages de journal sont irrémédiablement perdues, les pages privées que je ne confie pas au blog et qui forcément sont mes réflexions les plus chargées d’affects intimes. De même ont disparu mes Mementos, ces fichiers annuels dans lesquels je note au fur et à mesure les films vus, les livres lus, les expos et spectacles, les émissions de télévision, titre, auteur et une ou deux lignes en style quasi télégraphique de description ou d’impression, afin de garder une trace et de pouvoir me les remémorer. Idem pour ma photothèque personnelle entièrement perdue. Heureusement j’avais constitué des albums d’une sélection des meilleures d’entre elles en ligne sur Google photo, mais il y avait pas mal de dossiers de photos que je n’avais pas traités de la sorte. Autre perte : sur le Word réinstallé, il n’y a évidemment aucun des éléments de saisie automatique que j’avais installés peu à peu : « pt » ne me donne plus « peut-être » pas plus que « qs » ne me donne « quelques » ou « qn » « quelqu’un »… J’avais créé une bonne cinquantaine de ces abréviations qui accéléraient ma vitesse de saisie.
Il y a une morale à tout ça : il faut sauvegarder, sauvegarder en plusieurs endroits, au moins sur un disque dur externe et sur un drive, et il faut le faire fréquemment. Ma dernière sauvegarde datait d’avril 2021 et c’est tout ce qui est entre qui est perdu. Et les dossiers photos plus largement, car je ne les avais pas inclus lors de cette dernière opération.
Il y a une autre morale aussi peut-être qui consisterait à apprendre à s’accommoder de la « catastrophe », qui, au fond, n’a rien de véritablement catastrophique. C’est très agaçant certes, mais parler de catastrophe est quelque peu excessif. Tout ce qui est perdu finalement, ce ne sont que des poussières de mots, des poussières d’images, une vaine tentative de conserver, comme si cela devait permettre de contrer le temps, de dompter la mort. Est-ce que ces heures consacrées à tenter d’engranger et de conserver en gribouillant des mots, ne seraient pas mieux occupées, à marcher dans la nature, à respirer les fleurs, à embrasser les arbres, ou tout simplement à lire, à jouer, à rêver, sans tenter de retenir. Il faudrait alors voir dans la « catastrophe » comme un exercice bienvenu de détachement !
Il faudrait. Je n’en suis pas là !
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