Chana Orloff : l'histoire se répète
Mireille Podchlebnik
Après avoir visité l'atelier de la sculptrice Chana Orloff, j'avais envisagé écrire un article pour le blog puis le temps a passé et d'autres priorités sont venues effacer ce projet.
Tout récemment, une discussion avec Pierre m'a encouragé à reprendre le fil d'un récit resté en suspens. En évoquant avec lui ma participation à la marche contre l'antisémitisme dimanche dernier, je lui ai fait part du triste destin des membres de la famille de l'artiste. Trois d'entre eux, vivants au Kibboutz Be' Eri ont été assassinés lors de l'attentat terroriste du 7 octobre 2023 et sept autres sont retenus en otage par le Hamas.
L'histoire est-elle condamnée à se répéter ainsi comme une fatalité à travers les générations ?
L'atelier-musée de Chana Orloff est situé au 7 bis, Villa Seurat dans le 14ème arrondissement de Paris. Cette impasse pavée bien particulière est bordée par des maisons-ateliers de style moderne construites pour des artistes dans les années 1920. La plupart ont été édifiées par André Lurçat mais celle de Chana Orloff fut construite par l'architecte Auguste Perret.
Accompagnée de mon jeune cousin artiste Léopold, je découvre les lieux pour la première fois en juillet dernier dans le cadre d'une visite organisée. Avant de rejoindre la villa Seurat, le groupe se retrouve place des Droits-de-l'Enfant autour d'une reproduction de la sculpture Mon fils marin, d'après l'oeuvre originale réalisée en pierre par l'artiste en 1923.
La conférencière, une femme passionnée d'histoire, nous donne de nombreux détails, aussi bien sur l'architecture du lieu que sur la vie et l'oeuvre de l'artiste. Les portes de l'atelier-musée nous sont ouvertes par sa petite-fille, Ariane Tamir, qui assure la pérennité de l'oeuvre de sa grand-mère, une transmission familiale émouvante. Nous étions assez nombreux et admiratifs dans l'espace atelier chargé de sculptures de style et matériaux très différents (bois, bronze, plâtre..), de photos, d'affiches, de livres...nous écoutons, notons, photographions, déambulons avec sérénité, curiosité respect et attention.
Nous apprenons que, née en Ukraine en 1888, la jeune Chana émigre avec sa famille en Palestine ottomane en 1905 afin d'échapper aux pogroms. Venue en France en 1910, elle est embauchée comme apprentie-couturière chez la styliste Jeanne Paquin. En 1911, elle est reçue deuxième au concours d'entrée de l'École des arts décoratifs et deviendra une sculptrice renommée de l'École de Paris. Elle partage parmi beaucoup d'autres, l'amitié de Modigliani à qui elle présentera Jeanne Hébuterne. Portraitiste du tout-Paris, elle reçoit la Légion d'honneur et la nationalité française en 1925.
Durant la guerre elle se réfugie en Suisse avec son fils Elie, né de sa courte union avec le poète Ary Justman, victime de la grippe espagnole en 1919.
À son retour en 1945, elle retrouve son atelier saccagé et pillé par les nazis. Une de ses œuvres spoliées vient tout juste d'être restituée à son petit-fils.
Elle reste toujours en lien avec sa famille dans le nouvel État d’Israël, où elle se rend régulièrement pour créer et exposer. Elle meurt à Tel Aviv en 1968.
Alors que j'écris ces lignes, il apparaît que deux expositions parisiennes sont actuellement consacrées à cette femme hors du commun, une au musée Zadkine et l'autre au M.A.H.J (musée d'art et d'histoire du judaïsme).
Internet
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Wikipédia | Chana Orloff
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La villa Seurat | Chana Orloff
