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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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23 novembre 2023

Mystères, secrets

Claire C.

logo_sexualite       À propos de la sexualité, ce thème « délicat », je me disais qu’il fait réfléchir à certaines particularités de ce blog : il ne s’agit pas d’écrire un texte destiné à un journal intime qu’on rangera loin des yeux d’autres lecteurs. Il ne s’agit pas d’écrire pour des lecteurs inconnus, anonymes. On écrit — sur soi — en sachant qu’on sera lu par des gens qu’on connaît pour la plupart, voire des amis. Et le texte va rester accessible à tous, dans ce grand espace ouvert qu’est le net. Alors, pas étonnant que la pudeur — voire la honte — soient là, sévères gardiennes de l’intime, particulièrement du sexuel, avec leurs instruments de censure… et qu’il faille un peu les bousculer, ou trouver le moyen de les contourner, tromper leur vigilance, mais aussi leur faire quand même allégeance.

 

Ce dont j’avais envie de parler, c’est du mystère sexuel, de la quête, du secret.

Mystère du sexe masculin pour une petite fille (bien que les bains avec mon frère m’aient très tôt familiarisée avec « le petit robinet »). Mystère du sexe féminin, qui n’avait pas de nom dans ma famille et dont l’aspect extérieur faussement lisse ne permettait pas de deviner la complexité et les profondeurs. Il aurait fallu oser regarder cela dans un miroir, jambes ouvertes, ou demander à ma sœur, et c’était si tabou dans l’enfance que l’idée ne m’en est pas venue.

Mystère de la naissance : « le bébé frappe à une petite porte quand il est prêt à naître » (j’imaginais une porte se découpant par magie dans la paroi du ventre de ma mère, y avait-il une poignée ?) Et la fameuse « petite graine du Papa » dont il était difficile de deviner le trajet.

Il se trouve qu’à 8 ans, à l’école, une petite copine m’avait tout révélé : « le papa, il met son zizi dans le trou de la maman et la petite graine sort ».

Curieusement, j’ai été immédiatement convaincue qu’elle me disait la vérité. Ce qui m’avait laissée songeuse, ce sont des questions purement pratiques. N’ayant pas connaissance du phénomène de l’érection, et imaginant cela en position verticale, je ne voyais pas comment c’était possible. La scène imaginaire avait même quelque chose d’un peu comique. Mais quoiqu’il en soit, le soir dans mon lit, au moment du baiser de ma mère, je sentis après réflexion qu’il valait mieux ne pas lui en parler.

Et quand, sept ans plus tard, elle se résolut à des explications… (« Tu sais Claire, il faut faire attention… »), je l’interrompis immédiatement, lui disant que je savais déjà tout. « Ah, comment tu l’as appris ? ». « C’est les cousines qui me l’ont dit ». L’affaire était réglée.

Je ne me souviens pas qu’il y ait eu de l’angoisse ou de la honte à ces moments-là, sinon celles de ma mère que je pressentais. Même dans la situation où nous avons été confrontées, mes cousines et moi, à un exhibitionniste : j’ai le souvenir d’un brouillage visuel, d’un adulte furtif et peu effrayant, gris, comme honteux lui-même. Mais bien sûr nous avons fui, nous avons été troublées. En avons-nous parlé aux parents ? Sans doute, nous étions adolescentes, c’était dans un parc, peu dangereux.

 

Mais les enfants sont secrets, gardent des choses pour eux, c’est comme si les adultes devaient rester en dehors de certains moments particuliers, un peu fascinants, cachés. Il ne s’agit pas là du silence traumatique des « vrais » abus sexuels, bien plus redoutable, et qui signe l’emprise psychique. Non, c’est comme si l’exploration de la sexualité était une quête très personnelle, ou partagée seulement avec d’autres enfants.

Et donc, le voile qui cache les choses, les tabous, la gêne, le secret, les explorations furtives, peut-être ne sont-ils pas seulement le regrettable résultat de la répression sexuelle, mais aussi une distance utile, entre les générations, entre les sexes ? Un mystère magnétique ?

Je ne peux pas m’empêcher de relier cela avec la poésie, cette exploration des coins secrets, intenses, inconnus, innommés de la réalité. Ce n’est pas surprenant que les anciens aient inventé la figure de la Muse, et ses connotations amoureuses.

Ensuite il y a eu l’adolescence, entravée par une prise de poids aussi brutale que relativement courte, mais traversée par l’arrivée du désir, des sentiments amoureux. Il y a eu mai 68, la « libération sexuelle », entrevue. Mais même à cette période, quelques réalités physiologiques me restaient inconnues : le sexe masculin gardait ses énigmes. C’est le monologue de Molly Blum dans « Ulysses » de Joyce qui m’a permis de confirmer mes hypothèses, et de comprendre enfin comment se passaient les choses… comme avait dit ma petite copine de 8 ans !!

Et puis, il y a eu la vraie vie.

20231123gds-mem_clcassagne_mysteres_secrets

Photo Henri Cartier-Bresson

 

Commentaires
A
Je viens de lire votre "grain de sel". Vos découvertes infantiles de la sexualité m'ont intéressée parce qu'elles rejoignent les miennes et aussi parce qu'elles interrogent le riche royaume de l'enfance et de la poésie. Anne-Marie Didier-Kleine
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