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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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27 novembre 2023

Van Gogh à Orsay

      Anne-Claire Lomellini-Dereclenne

On a pris le bus, c’était plus simple.

Il a fallu presser un peu tout le monde, c’est pas toujours facile de se bouger le dimanche. Mais j’avais pris les places il y a un mois et l’exposition se termine bientôt. J’avais vraiment pas envie de louper le « créneau ».

20231127gds-cim_a_cl_lomellini_dereclenne_van_gogh_a_orsay      Le trajet en bus, le dimanche à Paris m’étonne toujours. Il y a du monde, quelle que soit l’heure, presque. Rien à voir avec la province. À cette heure-ci, les restos en bas de chez nous sont pleins. On y voit des familles et des couples plus âgés, attablés avec un verre de vin rouge. Le repas du dimanche. Malgré la relative affluence, nous trouvons à nous asseoir dans le bus. Celui-ci longe le boulevard Arago, puis remonte au boulevard de Port-Royal par une rue transversale. Derrière moi, je comprends qu’il y a une grande tante et son neveu, qui doit avoir environ 18 ans. C’est un jeune homme, post ado. Il veut vraiment marquer par ses mots, le sujet de la conversation, l’assurance de ses propos et le timbre un peu forcé de sa voix qu’il est un jeune adulte. On peut compter sur lui. Il parle de sa grand-mère à lui, de sa mère à elle. Elle ne peut plus se déplacer, il l’emmène régulièrement chez le médecin, enfin, apparemment il l’a emmenée une fois déjà. Il ne comprend pas pourquoi on ne peut pas l’emmener en véhicule médicalisé.

Nous passons par la rue d’Assas. La tante se remémore qu’une de ses amies habitait là avant.

Ma fille aînée n’écoute pas. Je lui parle d’une exposition de photos que sa prof de philo lui a conseillée et elle a l’air complètement dans la lune. Nous arrivons alors vers le Boulevard Saint-Germain, Paris 07, café de Flore, etc.. À Solférino on descend. Je pense au parti socialiste, feu le parti socialiste qui a déménagé à Ivry-sur-Seine.

Quelle époque !

Autre temps.

20231127gds-cim_a_cl_lomellini_dereclenne_van_gogh_a_orsay_portrait       Arrivés à Orsay, sur la place, il fait froid. Heureusement on a des tickets horodatés. On attend pas très longtemps. Une dame d’environ 65 ans, toute blonde platine avec un bonnet très bleu et des chaussures jaunes me passe devant sans me regarder. Elle est grande et dynamique. Je me fais la réflexion qu’elle s’est habillée aux couleurs de Van Gogh. Je ne sais pas pourquoi je suis si réductrice sur les couleurs du peintre, mais c’est ma réflexion du moment. Mon fils se plaint que la file n’avance pas. Deux personnes un peu plus loin dans la queue font signe à un de leurs amis qui vient d’arriver sur le parvis, devant l’entrée. Je les perds ensuite de vue, normal, l’entrée des 14heuristes est enfin ouverte. Certains VIP passent devant tout le monde, l’air crâne, aucun scrupule pour le bas peuple que nous formons et qui se les gèle. Pas grave, je me sers contre ma dernière qui a froid et qui imprime dans ses yeux le message « J’en ai marre », façon enseigne clignotante. Les mômes ne savent plus attendre ma bonne dame.

Au bout de la file, on passe uniquement trois personnes par trois personnes dans le tourniquet qui sert d’entrée. Tu m’étonnes qu’il y a la queue. Ensuite on doit trier ses affaires dans un casier blanc, comme quand on prend l’avion. Vigipirate, te revoilà.

On nous contrôle encore les billets d’entrée, puis on arrive dans le grand hall de l’ancienne gare. On a déjà envie de tout regarder, mais je pense qu’il faut aller tout de suite à l’exposition. J’ai raison, il y a une deuxième queue dans le musée. Re-contrôle, et encore un dernier. Trois contrôles en tout pour tomber nez à nez avec le rouquin. Il nous attend avec ses yeux mordorés sur fond bleu. On dirait presque qu’il n’attend que nous, qu’il s’exprime à travers le tableau. Ah bah, vous voilà, vous vous êtes fait attendre. Oui, oui, tu vois, on est là, on a fini par y arriver. Voyons ton expo, mon ami. Il y a du monde, à l’entrée, ils ne se poussent pas. Je jette un regard d’excuse au rouquin, qui semble s’agacer. On refait encore la queue. Je m’en extrais, je reviendrais sur mes pas plus tard.

20231127gds-cim_a_cl_lomellini_dereclenne_van_gogh_a_orsay_sous_bois      Je ne sais plus dans quel ordre on les a vus, mais il y a des ciels très bleus, des paysages au soleil, des blés qui sèchent, l’église et les maisons d’Auvers-sur-Oise. L’exposition parle de ses derniers jours, entre le 20 mai et le 27 juillet 1890. Il aura peint 74 tableaux en 70 jours, avant de se donner la mort en se tirant une balle dans la poitrine. Le coup ne fut pas mortel. Vincent Van Gogh mourra deux jours plus tard, le 29 juillet 1890. Il n’aura pas connu la tour Eiffel.

 26 novembre 2023, 133 ans plus tard, je regarde ses traits alignés, son coup de pinceau si caractéristique. Dans quel sens les a-t-il peints ? J’ai envie de toucher la toile, je me retiens. Je me rapproche. Je reste littéralement absorbée dans la contemplation du « Sous-bois avec deux personnages » et du « Champ de blé sous des nuages d’orage ». J’ai l’impression qu’il n’y a plus personne dans le musée, que les gens passent autour de moi, autour de nous, le tableau et moi. Il n’est fait que pour moi, je suis en conversation avec lui et il peut bien se passer n’importe quoi autour, nous restons scotchés, enfin surtout moi, épris l’un de l’autre, dans une étreinte virtuelle et surnaturelle. Je suis transportée. Cela m’avait fait la même impression au Museum of Modern Art à New York, l’année dernière, devant la toile « Le rêve » peint en 1910 par le douanier Rousseau. Il avait vraiment fallu que je prenne sur moi pour m’arracher à la contemplation de cette œuvre qui m’avait fasciné et emmené dans la forêt avec tous les animaux. J’étais devenue la femme sur le canapé, nue au milieu des bêtes sauvages. N’importe quoi.

20231127gds-cim_a_cl_lomellini_dereclenne_van_gogh_a_orsay_paysage       Ici, même scénario, difficile de rompre ma contemplation. Mais il a fallu se montrer raisonnable, prendre sur soi, ne pas sombrer dans l’addiction.

Que dire de la suite de la visite ?

Elle fut magnifique, sans doute, ce musée est un joyau, mais j’étais trop imprégnée de Van Gogh pour m’intéresser au reste aujourd’hui. Tout semblait fade et sans couleurs. Quelle honte et quelle faute de goût, il faudra revenir et me laver les yeux avant !

Internet

 

Commentaires
P
J'ai l'impression que tu tiens une Go Pro à la main et que tu nous fais vivre ton expédition en direct ! Tout à fait étonnant ! Ton expérience avec les tableaux du rouquin m'a projetée dans un souvenir identique vécu il y a une vingtaine d'années (déjà ??) au même endroit. Si le cœur m'en dit, je ferai un de ces jours un billet qui sera un écho du tien. Amicalement.
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