Promesses de l’aube mais nuages à l’horizon…
Bernard M.
C’était d’abord un commentaire que je voulais mettre sur le beau texte de Catherine Les promesses de l’aube. Et puis comme ce commentaire commençait à prendre de l’ampleur, j’ai décidé d’en faire un billet autonome…
Je ressens tout à fait le même émerveillement qu’elle devant mes petits-enfants, un petit gars qui va avoir 7 ans en mars, une jeune demoiselle qui en aura quatre dès la fin de ce mois de janvier. Ils sont délicieux. Quel appétit de vie, quel appétit de découvertes de tous ordres ! Leur enthousiasme est quasi permanent. Ils font preuve le plus souvent d’une magnifique complicité. Il faut les voir marcher main dans la main. Bien sûr il y a des moments moins évidents, des bouderies, des colères parfois ou des prises de bec entre eux qui peuvent être assez musclées. Mais cela est tout à fait normal, fait partie de la vie, une absence totale d’accrocs c’est cela qui serait anormal.
Mais je ne peux m’empêcher d’être parfois un peu angoissé en pensant à eux dans vingt ans, dans cinquante ans. Dans quel monde vivront-ils ? Différence immense avec nous-mêmes. Bien sûr il y a eu des crises pendant nos enfances, la guerre froide, les divers moments où celle-ci s’est fortement réchauffée pouvant faire craindre une troisième guerre mondiale (particulièrement lors de la crise des fusées en 1960). Mais globalement et une fois que la coexistence pacifique s’était mise en place, on partageait largement l’idée que le progrès était en marche, progrès économique dans l’enthousiasme des 30 glorieuses, progrès social qu’on le pense apporté naturellement par le développement économique ou devant être conquis par les luttes, progrès moral d’une société que l’école rendrait forcément meilleure…
La vision du futur est totalement différente aujourd’hui. Les menaces géopolitiques sont redevenues très présentes, l’actualité est là pour nous le rappeler, Ukraine, Moyen-Orient, menace de la Chine sur Taïwan, menace islamiste, progrès (presque) partout des forces autoritaires et réactionnaires et Trump en embuscade. J’ai été assez frappé, écoutant récemment une interview de mon vieux camarade Bernard Guetta (nous avons usé nos fonds de culotte sur de mêmes bancs au lycée Henri IV dans les années 1960). Ancien journaliste au Nouvel Obs, puis au Monde et à France-Inter il est désormais député européen et j’ai toujours été frappé par la façon dont il parvenait à trouver ce qui pouvait donner à espérer dans une situation aussi problématique pouvait-elle sembler. Or, cette fois-ci ses conclusions étaient toutes très négatives et terriblement pessimistes.
Sur un autre plan, plus global encore, on ne peut qu’être inquiet sur l’avenir même de la planète soumise à un réchauffement climatique accéléré. Des freins multiples ne cessent de ralentir les actions qu’il faudrait entreprendre pour tenter de limiter ce réchauffement. Les glaciers fondent, la maison brûle…
Nos petits dans la joie des promesses de l’aube ne perçoivent évidemment pas cela et heureusement. Mais dès qu’ils vont grandir, cela pèsera sur eux, sur leur vision du futur, sur leur personnalité en construction. Ils baigneront dans l’écoanxiété. Je ne sais rien des raisons qui expliquent que mon second fils et sa compagne n’aient pas d’enfant après plus de dix ans de vie commune et alors qu’ils semblent adorer les enfants, mon fils surtout, quand on voit le plaisir qu’il prend à s’occuper de ses neveux. C’est leur affaire bien entendu et je n’ai nulle intention de les interroger sur les raisons qui pourraient l’expliquer. Mais sa compagne semble particulièrement écoanxieuse et je me dis que c’est peut-être justement cela la raison : ne pas faire d’enfant qui aurait à vivre dans un monde qui court le risque de devenir invivable.
Mais foin de ces considérations quelque peu nuageuses. Profitons à plein des moments qui nous sont donnés. Nos petits sont dans l’avion à l’heure où j’écris. Ils reviennent de Taïwan où ils ont été passer une quinzaine de jours avec leur mère pour voir leurs autres grands-parents. Il s’agissait aussi pour leur mère de pouvoir voter aux élections (il n’y a aucune procédure de vote à distance pour les Taïwanais de l’étranger) afin de donner son suffrage au candidat partisan du statu quo et méfiant à l’égard de tout rapprochement avec la Chine, celui qui a été élu d’ailleurs. J’ai hâte de faire un voyage à Paris pour aller me régaler de quelques bons moments à passer avec mes promesses de l’aube. Ce ne sera pas tout de suite, tout de suite, car je passe demain sur le billard pour opérer l’hallus valgus de mon pied droit, ce qui me contraindra ensuite à une certaine période d’immobilité, la plus courte possible j’espère…

