Canalblog Tous les blogs Top blogs Littérature, BD & Poésie
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU
Grains de sel
Grains de sel
Grains de sel

Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
Voir le profil de apagds sur le portail Canalblog

Newsletter
Commentaires récents
23 janvier 2024

Handicapé

Bernard M.

Me voici handicapé. Enfin très légèrement et très provisoirement handicapé. Mais n’empêche je ressens très directement les perturbations de tous ordres que cela entraîne et prends conscience de ce que ce doit être pour les vrais handicapés.

Je me suis fait opérer du pied, afin de supprimer un hallus valgus sérieux qui commençait à me gêner dans la vie quotidienne. L’intervention s’est bien passée et s’est faite sous anesthésie locale. Mais c’était assez étrange d’entendre, au-delà du mince tissu qui me cachait la scène, les voix du chirurgien et de ses assistantes, les bruits de scie et de perceuse en pleine action et d’imaginer l’étrange terrain de bricolage sur lequel ces outils étaient au travail ! En fin d’après-midi, lorsque le VSL est venu me chercher pour me ramener chez moi, ma jambe était encore sous l’effet de l’anesthésie, j’avais l’impression qu’elle n’était qu’un bout de bois mort, complètement extérieur à moi et que je ne pouvais manipuler qu’à l’aide de mes bras. Arrivé à la maison, j’ai monté l’escalier marche par marche, assis sur les fesses. Me voici installé à l’étage et je n’en ai plus bougé depuis. Notre cuisine, le lieu où l’on prend habituellement nos repas, devant la cheminée en hiver ou sur la terrasse dès que la température le permet, est au rez-de-chaussée. D. nous monte donc notre pitance à chaque repas que nous prenons dans la grande salle à manger du premier.

Le lendemain de l’opération, j’ai bien dégusté, sacrées douleurs au sortir de l’anesthésie. Puis peu à peu, avec la conjonction entre l’atténuation naturelle et l’action de l’antidouleur, cela a été mieux. J’ai pu, avec mon chaussage spécial qui me permet de ne poser que le talon et laisse les doigts de pied au-dessus du vide, faire les quelques pas nécessaires entre la table de la salle à manger, le canapé devant la télévision et ma chambre. En outre j’ai droit tous les jours à une piqûre d’anticoagulants. Je me sens totalement dépendant pour tout et c’est bien désagréable. En cas de besoin je fais tinter la cloche qui, au temps de mes grands-parents, servait à appeler la « bonne » pour appeler D. à la rescousse. Et, version plus moderne, il nous arrive de nous appeler par téléphone d’un étage ou d’une pièce à l’autre…

Bon, ça, c’était hier. Aujourd’hui ça va déjà beaucoup mieux, je retrouve une certaine mobilité, appuyé sur une canne et même, de plus en plus, en la laissant de côté, je trotte d’un bout à l’autre de l’étage.

C’est un temps évidemment propice aux activités de lecture et d’écriture. Je déguste un gros roman Leçons de Ian McEwan, un pavé de près de 700 pages qui m’a été offert à Noël et dans lequel je n’avais pas encore eu le temps de me plonger. Pas mal du tout. Entre les années 1950 et aujourd’hui, il offre le parcours, mêlé aux grands événements qui ont marqué l’époque, d’un homme ordinaire confronté aux inévitables désillusions de la vie. Plus d’une page a fait écho en moi, notamment celles où il décrit ses réactions à la mort de son père si proches de celles que j’ai moi-même ressenties il y a peu ou celles où il décrit son propre vieillissement. Dès que j’en aurai fini, je vais m’attaquer à la lecture de l’ensemble des textes déposés à l’APA par Guillemette de Grissac afin de préparer le dossier Fonds du numéro de juin de La Faute à Rousseau qui lui sera consacré. Sans parler des trois années d’un journal très prolixe que je dois échoter dans le cadre de notre groupe de lecture toulousain…

Le canapé devant la télévision est aussi plus utilisé qu’à l’habitude. Il y a, contrairement à ce que disent certains, quantité de choses passionnantes à la télévision. La souplesse que permettent les systèmes de replay donne accès à une offre si abondante que l’on ne peut de toute façon pas voir tout ce qui pourrait nous intéresser. J’ai avalé un imposant documentaire sur les Triades chinoises, un autre documentaire très solide sur L’impossible enterrement de Staline, regardé le film Enquête sur un scandale d’état (qui ne m’a que modérément plu), vu plusieurs numéros d’une intéressante série sur diverses œuvres littéraires (Madame Bovary, L’art de la joie, Lolita).

Il fait un temps superbe cet après-midi. D. est allée faire une marche avec une de ses amies. Je tournique un peu d’une pièce à l’autre et je les envie un peu. Je me dis que pour moi ce sera simplement plus tard et qu’il me faut prendre mon mal en patience. Et me dire que j’ai de la chance de vivre dans une maison si spacieuse. Je regarde de temps en temps le ciel par la fenêtre et la place bien assoupie en ce dimanche après-midi. J’écris ces lignes pour le blog…

20240123gds-vie_bmp_handicape

 

Commentaires
B
Merci André. Je mets cette jolie formule dans un petit coin de ma tête. Elle peut servir à nous apaiser dans bien des cas.<br /> <br /> <br /> <br /> Marie, j'espère que tu repasseras ici. En effet j'ai essayé de t'envoyer un courrier sur l'adresse que j'avais mais j'ai un message de non distribution en raison d'une boîte saturée. Je suppose donc que tu en as une nouvelle. Merci de me l'envoyer, j'ai pour ma part toujours les mêmes mails, soit perso perso, soit en tant qu'apa.
Répondre
D
Cher Bernard M.,<br /> <br /> Saviez-vous que votre billet est comparable à ce texte de "notre" C.F. Ramuz, intitulé "Une main" (1933, Grasset) ? Il était tombé sur le verglas, en janvier 1931... sauf que c'est chez vous le pied, et chez lui le bras gauche. "Une redoutable obligation à la patience"<br /> <br /> Avec mes meilleurs messages:<br /> <br /> André D.
Répondre
B
Ah ça chère Marie !<br /> <br /> Quelle bonne surprise.<br /> <br /> Merci pour tes mots et encouragements.<br /> <br /> As-tu toujours la même adresse mail ?<br /> <br /> Je vais t'écrire, ce sera un plaisir de reprendre un dialogue avec toi.
Répondre
M
bonsoir cher Bernard,<br /> <br /> juste un petit passage ici, et te lire avec toujours autant de plaisir...<br /> <br /> te souhaiter un bon rétablissement, et courage en attendant de pouvoir remarcher normalement...<br /> <br /> J'ai hésité à déposer ces quelques mots ici...<br /> <br /> j'ai un peu peur de ma réactivité sur un sujet un peu sensible ...<br /> <br /> le terme "handicapé", me touche bien sûr...<br /> <br /> le terme "vrai handicapé", m'interpelle aussi...<br /> <br /> y aurait-il de faux handicapés ?<br /> <br /> ou une invalidité provisoire, certes difficile à vivre, parce que pas d'adaptation "provisoire", ou mal anticipées ? ou pas anticipées, parce que de toute façon, oui c'est du provisoire,..<br /> <br /> bientôt tout ce ci ne sera qu'un mauvais souvenir...<br /> <br /> mais ensuite,oui, tu as raison, c'est une façon de prendre conscience, une sensibilisation au handicap...<br /> <br /> et garder en mémoire, peut être, ce qui pourrait être utile si jamais, un"vrai" handicap, quelqu'il soit, survenait ?<br /> <br /> ou, ouvrir son regard, sur ce qui se passe dans la ville, dans les bâtiments publics, sur la voirie, lorsqu'un "vrai" handicapé aimerait déambuler en toute autonomie ?<br /> <br /> En tout cas, oui, je te souhaite un bon rétablissement !<br /> <br /> Marie.
Répondre
B
Merci de vos encouragements.<br /> <br /> Au moment de l'opération ils m'ont proposé si je le souhaitais un petit cocktail médicamenteux en plus de l'anesthésie locale pour que je sois un peu dans les vap et moins conscient. J'ai décliné préférant être présent à la situation et pour éviter de me charger trop en médicaments. <br /> <br /> Mais il est vrai que ce sont des réactions que j'ai maintenant. Lorsque j'étais ado ou même jeune adulte je ne supportais pas l'ambiance hospitalière ou que l'on touche à mon intégrité corporelle. Je me souviens d'avoir plus d'une fois tourné de l'oeil pour de simples piqûres ou prises de sang. Hi, hi, on s'endurcit en vieillissant...
Répondre
P
Cher Bernard, il y a quelque chose d'absolument insupportable dans ton billet, une scène d'horreur digne d'un film gore, c'est ton évocation de bruits de scie et de perceuse en pleine action sur ton pied !! rien que de l'écrire je me sens défaillir... si je suis un jour à ta place, comment éviter d'entendre ? Ont-ils en salle d'opération des casques anti-bruit comme sur les chantiers pour les patients trop émotifs ? En tout cas tu as toute mon admiration pour avoir enduré ce qui pour moi serait une torture !!! et surtout bon rétablissement maintenant que le pire est passé. Amicalement.
Répondre
C
Bon courage.<br /> <br /> J'ai déjà subi une telle opération; Parfait. L'autre pied en aurait besoin mais je ne suis pas décidée. Profite de ce temps pour après cavaler comme tu aimes.
Répondre
N
Bon courage, en espérant que tu retrouves vite le confort du rez-de-chaussée et la porte de la rue pour t'échapper !<br /> <br /> Nadine
Répondre
Mode d'emploi

Adresser votre texte (saisi en word, sans mise en page, en PJ à votre mail) à l'adresse :

apagrainsdesel@yahoo.com

- Envoyez si possible une image (séparément du texte). Cliquez sur les images pour les ouvrir en grand
- Précisez sous quel nom d'auteur il doit être publié
- Merci de ne pas adresser de textes trop longs afin de laisser son dynamisme à la lecture. Des billets de 2000 à 4000 signes environ sont les plus adaptés à la lecture dans un blog.
L
es administrateurs du blog se réservent le droit de publier un texte trop long de façon fractionnée.


 

Archives