Maisons du futur...Deux conceptions différentes

Anne-Claire Lomellini-Dereclenne

Cette semaine, de manière fortuite et totalement déconnectée, j’ai eu l’occasion de visionner deux reportages sur ce que l’on pourrait appeler des maisons du futur correspondant à deux philosophies complètement différentes. Après réflexion, à la faveur de l’accalmie intellectuelle propre aux fins de semaine, je repense à ces deux types d’édifice qui matérialisent concrètement les représentations éthiques et philosophiques ainsi que les principes de vie de leurs propriétaires.

Le premier reportage portait sur les maisons-serres que l’on peut trouver majoritairement dans le nord de l’Europe et plus précisément en Suède. Le principe de la maison-serre est de construire une maison en bois à l’intérieur d’une grande serre de verre. L’enveloppe transparente entourant la maison permet d’utiliser la chaleur du rayonnement solaire pour créer une bulle thermique tout en aménageant ce qu’on pourrait appeler un jardin d’hiver. En effet, à l’intérieur de la serre, la température pourrait être maintenue aux environs de 15 à 20 °C, même quand la température extérieure avoisinerait les -15 °C. De fait, l’espace entre la maison et la serre peut être aménagé en potager ou en verger et si la maison-serre est en plus équipée d’un système de filtration permettant une récupération des eaux usées, l’ensemble du système mis en place tendrait vers l’autosuffisance énergétique et alimentaire. Ce type de maison, au demeurant très agréable à vivre selon les personnes qui en témoignaient, est la matérialisation d’une préoccupation relative à la recherche de l’exploitation raisonnée des ressources naturelles pour la préservation de l’environnement. En effet, l’utilisation de l’effet de serre au sens propre vise à réduire les dépenses énergétiques et l’utilisation des matériaux fossiles pour mieux répondre aux enjeux climatiques. L’idée dominante sous-tendue par ce type de maison est donc la recherche de solutions constructives et optimistes pour faire face aux problématiques du futur.

Le second reportage, visionné quelques jours plus tard, concernait la nouvelle tendance plébiscitée par les stars hollywoodiennes consistant à se faire construire au sein de leur maison une pièce bunker, sorte d’abri anti-catastrophe ou anti-intrusion, entièrement sécurisée pour parer aux éventuelles attaques nucléaires, terroristes ou à la fin du monde annoncée et qu’ils nommeraient entre eux « The event ». Aménagé en pièce de luxe, le bunker peut concerner l’ensemble de la maison, comme celle de cet Américain dont le nom a été caché et qui, pour rajouter à la psychose, a même prévu de faire creuser tout autour de sa maison un lac dont la particularité est qu’il pourrait s’enflammer en cas de danger imminent isolant ainsi la maison-bunker derrière un rideau de flammes. On peut espérer que les quelques millions de dollars nécessaires à la construction des murs aient permis une isolation thermique suffisante pour maintenir les occupants à l’abri de cet enfer programmé pour les sauver… Intriguée par cette conception peu heureuse d’une fin du monde imminente et catastrophiste, mes recherches « internet-actuelles » me confirmèrent le goût des ultrariches nord-américains pour la construction de villages bunkers de luxe, sorte de lotissements survivalistes coupés du monde réel et recréant sur écran une nature perdue sans âme et sans saveur. L’idée dominante sous-tendue par ce type de maison serait donc que, certes, la fin du monde va arriver, et que, de catastrophes climatiques en guerre de subsistance, seuls les riches pourront faire face et qu’il convient de s’y préparer dès maintenant, quitte à dépenser égoïstement des millions de dollars ou d’euros qui pourraient être utilisés pour la mise en place de solutions durables propres à envisager de nouvelles solutions permettant de vivre en paix et en bonne intelligence.

Si ces deux types de constructions s’érigent en emblèmes de deux philosophies de vie opposées, avec d’une part une approche basée sur la préservation globale des ressources et d’autre part, une approche basée sur l’utilisation personnelle des ressources à des fins de protection violente contre un ennemi surdimensionné, conséquence de problématiques mal jugulées, elles se rejoignent cependant sur deux points : l’acceptation d’une modification de nos modes de vie à venir face à de profonds changements écologiques, politiques et sociétaux, et le choix, pour des raisons différentes, d’enfermer nos vies sous serre, sous terre, ou derrière un rideau de flammes…