Chroniq’hebdo | De l’autobiographie, de la résistance, de la poésie et de l’immigration
Pierre Kobel
Fabrice Lucchini, dans un Grand atelier de Vincent Josse, déplore « l’asservissement narcissique de l’espace littéraire pour parler de soi. » Je devrais rire de tels propos venant d’un artiste qui n’a jamais manqué de revenir à lui et à sa façon de faire un numéro médiatique très empreint de narcissisme quoiqu’il s’en défende. Mais ses propos m’agacent, car il place l’autobiographie en regard des grands textes de la littérature qu’il aime porter sur scène et, d’une certaine façon, il revient au mépris toujours présent, de la première.
Autobiographie = narcissisme ? C’est un peu court ! Parler de soi, c’est aussi se mettre à distance de soi et tenter de comprendre l’insondable. Charles Juliet pourrait-il être taxé de narcissisme quand il plonge en lui-même pour trouver le sens de son existence ? Moins sans doute que ceux qui, comme Lucchini, recourent à la psychanalyse à force de se chercher.
Depuis le temps que je tiens un journal, je n’ai rien de moi à mettre en avant. Je ne fais que consigner un parcours avec ses hauts et ses bas, avec ses doutes et ses questions incessantes. Je l’ai déjà écrit, mes pages n’ont rien d’exemplaire. Elles se veulent d’abord un outil pour essayer de vivre un peu mieux. Je crois trop aux mots pour ne pas m’en servir. Sans eux, je ne sais pas où j’en serais, je ne sais pas si je serais encore ici-bas.
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Visite au bord de la Marne, au musée de la Résistance, d’une expo consacrée à Robert Doisneau — L’esprit de Résistance. Photos pour beaucoup qui furent des reconstitutions et montrent particulièrement le monde de l’imprimerie clandestine, objets de l’époque qui disent ce qu’elle fut et rappellent le photographe. Doisneau savait de quoi il retournait, il avait participé activement à cette résistance.
Que ferions-nous aujourd’hui dans une telle situation alors que plus rien ne peut se faire sans que nous soyons surveillés, filmés, fichés, reconnus facialement ?
Et pourtant la résistance, c’est aussi l’actualité puisque nous fêtons les 80 ans de la Libération, mais également parce qu’elle n’est pas seulement mémorielle et que dans bien des lieux du monde, des citoyens ont à lutter contre l’oppression de régimes dictatoriaux, policiers, parce que jusque chez nous, rien n’est jamais gagné et que de nouvelles menaces pèsent sur nos libertés.
J’y pense alors que je reviens d’une soirée de poésie où j’ai entendu une poète franco-rwandaise, Beata Umubyeyi Mairesse porter une parole forte, un poète palestinien, Tarik Hamdan porter celle de son peuple et dire son regard sur nous. Je sais que lorsqu’il ne me restera rien d’autre, j’aurai toujours la poésie pour résister.
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Le parlement britannique a voté un projet de loi qui permettra l’expulsion des étrangers en situation illégale vers le Rwanda. Ce dernier recevra en compensation de substantielles aides financières.
J’ai honte pour les Anglais ! Ils externalisent leurs migrants illégaux comme de vulgaires marchandises ! Oui, honte ! Quand donc cessera cette montée en puissance de tous les réactionnaires égoïstes et mal pensants qui ne voient l’humanité qu’à leur porte sans jamais la lui ouvrir ?
Internet
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Musée de la Résistance nationale | Exposition « Robert Doisneau — L’esprit de résistance »