Noël fantaisiste

Mireille Podchlebnik

La période de fin d’année est loin d’être ma préférée. Les jours écourtés sont moins favorables aux sorties ; l’hiver des villes, désormais rarement enneigées, n’apporte pas la féerie attendue ; les arbres sont dénudés, le froid est là même ce n’est pas vraiment le cas ces jours-ci et le bilan de l’année écoulée n’est, en général et davantage aujourd’hui, pas vraiment propice à la réjouissance… Mais surtout, les souvenirs de mon enfance gardent de cette période une empreinte assez contradictoire.

Chez mes parents, les fêtes de Noël n’étaient pas célébrées et seul le Nouvel An était digne d’une soirée chaleureuse en comité souvent restreint, mais avec échanges de cadeaux, repas savoureux et enfant, je m’en satisfaisais largement.

Mais lorsque la rentrée des classes de janvier survenait, se racontaient les moments féeriques passés autour de grandes tablées familiales, les grands-parents si généreux, le beau sapin illuminé avec sa crèche fabuleuse, la traditionnelle sortie pour célébrer la messe de minuit, les cadeaux découverts et ouverts fébrilement au petit matin. Tout cet univers m’était parfaitement étranger et j’en ressentais à la fois jalousie et indifférence ! Je découvrais un monde parallèle avec lequel je me trouvais en complet décalage. Et le pire pouvait encore advenir lorsqu’un enseignant proposait à chacun de raconter son Noël.... je n’avais alors rien à dire !

Alors pour conjurer ces moments d’étrangeté vécus dans mon enfance, une fois devenue adulte et mère de famille, je bravais les « interdits » d’un judaïsme familial bien fantaisiste.

Pour mes enfants je jouais le jeu de Noël, achetais un sapin, le décorais, préparais avec leur père puis seule les cadeaux qu’ils découvraient émerveillés au petit matin. Plus tard, j’organisais des voyages de fin d’année à New York, Buenos Aires, Cayenne ou moins lointains et tout aussi beaux près de la mer en Normandie où nous découvrions les familles éparpillées, les amis et la magie du dépaysement, je voulais quitter le quotidien pour en profiter pleinement…

Il y eut aussi les sorties « comédies musicales » devenues traditionnelles et qui nous ravissaient de leurs musiques, chants et danses. Nous fredonnions longtemps les airs de Mary Poppins, La mélodie du bonheur, Un américain à Paris ou de West Side Story…

Cette année, j’avais prévu de passer Noël avec mes fils adultes au théâtre du Soleil, la pièce l’île d’Or devait jouer le 24 et prévoyait un repas de réveillon, j’étais ravie à la perspective d’un voyage pas trop lointain et d’un diner tout préparé. Aussi quelle ne fut pas ma déception lorsque tout fut annulé en raison de ce maudit Covid19 qui imposait encore de nouvelles contraintes sanitaires. Il fallait donc tout réinventer !

Fort heureusement, la soirée sans réveillon, mais avec repas asiatique dans une belle salle égayée de lampions put être reportée au mardi de la semaine suivante. Ainsi, nous avons malgré tout passé un agréable moment familial autour de ce spectacle insolite : le récit-songe d’un voyage au Japon perturbé par l’épidémie de Covid et les drames du monde. Le décor magnifique et en perpétuel mouvement nous a fait voyager et rêver, mais nous avons trouvé une grande dispersion dans la multitude des thèmes abordés. Bien qu’inspiré du théâtre japonais Nô (drame lyrique), Kabuki (drame épique) et kyogen (farce), je dois dire que le parler français et japonais était déstabilisant et le masque des acteurs m’a un peu gênée, car l’expressivité des visages si précieuse au théâtre manquait à mon goût.

Les tambours joués dans le grand hall en final par les acteurs démasqués dans ce lieu où se mêlent chaleur humaine et convivialité a clôturé ce spectacle qui restera malgré tout un très bon souvenir !

Je souhaite à tous une très bonne fin d’année.

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• franceinfo | « L’Île d’or » par le Théâtre du Soleil