Retour à Sanary-sur-Mer

Mireille Podchlebnik

 Samedi, je suis passée assez rapidement au salon de la revue des Blancs Manteaux le temps d’une rencontre sympathique avec Madeleine et Pierre et celui de me procurer le dernier numéro de La Faute à Rousseau sur le thème Nos écoles. Aller à Paris le week-end n’est pas dans mes habitudes, car je préfère en général rester tranquillement chez moi pour récupérer de journées de travail à forte intensité émotionnelle.

 Pourtant, dimanche dernier, à l’heure où j’écris aujourd’hui, j’étais à Sanary-sur-Mer. Baignée par une douce chaleur, je gravissais les marches du chemin de croix qui mène à la chapelle Notre-Dame de Pitié et qui à chaque pas élargit sa vue sur la mer et le port. Les fleurs éclataient de couleurs en ce début octobre au goût d’été indien. Je marquais une pause devant le moulin gris où vivaient Franz Werfel et Alma Malher avant leur fuite vers les États-Unis pour échapper au nazisme et poursuivant jusque la plage de Portissol quasi désertée sans la surpopulation qui l’envahit aux jours d’été, je savourais ces moments de calme. Ma journée marquée de rencontres amicales et de travail fut riche de projets pour le prochain printemps des poètes qui a deux reprises du être annulé en raison de la pandémie et je croise les doigts pour que l’expression « jamais deux sans trois » soit démentie.

En soirée, profitant de la proximité de mon hôtel avec le cinéma plein de charme de cette petite ville, je décidais d’aller voir le film des frères Dardenne Tori et Lokita dont les critiques ne tarissent pas d’éloges. Nous n’étions pas nombreux à l’entrée de la salle et encore moins à la sortie et je dois avouer qu’il m’a été très pénible de rester jusqu’à la fin. Traitant de l’exploitation de deux mineurs isolés sans papiers, le film relate leurs galères parfois insoutenables. En dehors du regard porté sur le soutien et l’amitié profonde qui lient les deux jeunes exilés, je reste dubitative sur l’intérêt qu’il peut apporter aux personnes déjà sensibilisées à ces questions et sur l’ouverture possible à un autre public.

 Le lundi matin dernière promenade avec flânerie sur le marché et petit travail d’écriture pour la réalisation d’un livret sur l’histoire de l’hôtel de la Tour avant de reprendre le train pour Paris. Ce projet mené avec la propriétaire de l’hôtel a pris naissance en 2018 après l’exposition sur l’exil et la transmission réalisée avec mon amie Sophie et dont le thème est toujours cruellement d’actualité. Il prend du temps, car nous ne sommes familières ni l’une ni l’autre des mises en page informatiques de photos et de textes et de plus, les aléas de la vie retardent régulièrement nos avancées.

 Dans le TER qui me menait à la gare Marseille Saint-Charles avant le retour en TGV sur Paris, j’ai découvert dans la poche de ma veste la lourde clef à l’ancienne en métal de la chambre 26 que j’occupais et que j’avais oublié de déposer en quittant l’hôtel. Confuse de cet acte manqué, je la renvoyai en Colissimo dès mon arrivée à Joinville-le-Pont avec cet étonnement toujours renouvelé de la rapidité avec laquelle les transports peuvent nous déplacer d’un univers à l’autre.