L'intranquille

Phrasie

J’ai toujours pensé que les maisons et plus largement leurs organisations intérieures avaient une grande influence sur la psyché des enfants, leur développement et les adultes qu’ils allaient devenir. En conséquence je vais livrer ici deux souvenirs marquants qui m’ont façonnée à leur manière.

Commençons par ce que j’appelle, en hommage à Edgar Poe ‘La chute de la maison Sergal’.

Quand j’étais enfant et que je vivais chez mes grands-parents, nous habitions une très ancienne maison dans la rue basse du village. Cette maison que louait mon grand-père était en piteux état, pas d’autre point d’eau qu’un robinet d’eau froide sur l’évier, robinet qui fuyait ou bien était-ce la conduite d’eau, quoi qu’il en soit le plancher de la cuisine pourrissait et la poutre maîtresse qui soutenait l’ensemble itou. Pour éviter l’effondrement de son plancher, mon grand-père était allé chercher un poteau de téléphone en bois et l’avait placé sous la poutre qui menaçait de rompre de manière à la soutenir. Il y avait sous notre cuisine un appartement inoccupé d’où on pouvait voir la pourriture de la poutre. Mon grand-père disait que son poteau s’appuyait sur la poutre encore inférieure et que rien ne pouvait bouger à présent. Mais moi je n’étais pas rassurée, j’étais même terrorisée de voir cette installation qui ressemblait à des allumettes empilées. Et encore aujourd’hui, j’ai toujours peur que les maisons ou j’habite s’effondrent et disparaissent dans un grand trou ! Je préfère garder pour mes insomnies les effondrements récents des maisons sises rue St-Rome à Toulouse qui m’ont plus que perturbée. Rien que d’évoquer ces accidents, je sens que le poteau de bois qui soutient la cuisine de mon enfance est en train de rompre !!

Continuons par ce que j’ai nommé « Moderne mais à moitié »

Chez mes grands-parents dans les années cinquante et même après il n’y avait pas de grandes commodités : pas de salle de bains, pas d’eau chaude, une seule arrivée d’eau froide sur l’évier mais grand modernisme pour l’époque et notre milieu il y avait un WC ! Il avait été installé sous l’escalier qui menait au premier étage, c’est-à-dire à l’appartement de nos voisins et il n’avait pas de chasse d’eau, comprendre qu’il fallait remplir un broc d’eau au robinet de la cuisine pour évacuer le contenu de la cuvette. Mais le principal inconvénient n’était pas là. Ce nouveau WC avait été installé dans un couloir qui menait aux anciennes toilettes, celles des décennies précédentes dès lors inusitées et malheureusement personne n’avait songé à faire une quelconque séparation pour l’isoler et empêcher la vue ! Comprendre que n’importe qui pouvait entrer dans le couloir par la porte de la cuisine !!! Et ledit couloir servait de réserve de nourriture ce qui impliquait de nombreuses incursions. Aucune intimité possible, il fallait dire à haute voix qu’on était aux WC et espérer que tout le monde ait entendu ou qu’un facétieux ne fasse pas exprès de rentrer juste pour vous entendre crier ‘ya quelqu’un’ !! Pendant mon enfance, j’ai vu mes grands-parents passer dans le couloir à la recherche de légumes stockés là, de bois, de charbon ou de pommes de terre et dire ‘Mais je te regarde pas’ !! Plus tard, un rideau avait été installé pour avoir un minimum d’intimité, mais je crois que c’était pire à mes yeux, car ce rideau coupé en son milieu ne fermait pas bien et laissait passer le regard, le résultat a été que plus personne ne se souciait de qui était aux toilettes, car le rideau préservait soi-disant l’intimité !!! La conséquence de tout ceci sur ma vie d’adulte ? La dernière maison que nous avons achetée pour nos vacances présente un atout indéniable, en plus de son incroyable vue sur tout le sud du Golfe du Lion, elle a trois chambres et surtout, surtout… trois WC !!